Depuis l’avènement de l’alternance en Gambie, les médias sont occupés par la coalition victorieuse. Le camp de Yaya Jammeh s’est emmuré dans le silence. Homme de confiance de l’ex-président, le chargé de la mobilisation de l’ancien parti au pouvoir, Aprc, El Hadji Yancoba Coly brise le silence. Dans un entretien accordé à «L’As», le maire de Kanifin (serrekunda) revient sur la chasse aux dignitaires du régime déchu, les causes de leur défaite, le règne et les réalisations de Jammeh. il s’explique aussi sur la situation des droits de l’homme, l’audit de leur gestion et l’avenir de la Gambie. il n’a pas espoir que l’équipe de Barrow pourrait impulser le développement du pays. Selon el hadji Yancoba Coly, les Gambiens regrettent déjà le départ de Yaya Jammeh.
Après 22 ans de règne sans partage, le président Jammeh a été déchu. Le peuple gambien lui a tourné le dos.
Le Président Yaya Jammeh est plus que jamais dans le cœur des Gambiens, malgré sa défaite lors de la présidentielle, parce qu’il a réussi à instaurer la paix dans le pays. Vous avez constaté que dès le lendemain de l’élection la violence a commencé à s’installer dans le pays. On saccage des maisons, des véhicules… avant même que le nouveau régime s’installe. Cette paix que le Président Jammeh avait réussi à établir en Gambie est en train de céder la place à l’insécurité et à la peur. Ce sont des pratiques qui n’ont jamais existées sous le régime du Président Jammeh. Pour vous dire que si l’on reprenait la présidentielle aujourd’hui, le Président Jammeh la remporterait.
Sur quoi vous fondez-vous pour soutenir que les Gambiens regrettent le départ de Jammeh ?
Les Gambiens ne connaissent pas la violence. Malheureusement, c’est ce qu’on est en train d’instaurer en Gambie. Vous avez vu les nombreux soldats à la porte qui assurent ma sécurité depuis le lendemain de l’élection. Pourtant, jamais des soldats n’ont assuré la sécurité de mon domicile. C’est terrible, mais je ne leur en veux pas. C’est l’euphorie de la victoire. Mais ils doivent savoir raison garder pour ne pas faire du tort aux autres. Tout cela montre que la majorité des Gambiens regrettent aujourd’hui le départ du Président Jammeh. Ceux qui ont gagné la présidentielle sont minoritaires.
Comment une minorité peut gagner ?
La coalition de l’opposition a gagné avec un score de moins de 50%. Elle a obtenu 47%, le Président Jammeh, 40% et Mamma Kandeh 17%. En plus, 30% des électeurs n’ont pas voté. La campagne était viciée par de propos éthnicistes qui mettaient en mal les diolas et les mandingues. Les diola étaient persécutés surtout dans les marchés. Ils continuent d’être offensés, pourtant nous sommes un seul et même peuple. Notre parti reste toujours fort.
Etes-vous prêts pour les élections législatives prévues dans deux mois ?
Nous allons gagner les législatives. Le parti APRC de Jammeh sera majoritaire à la prochaine Assemblée nationale. Nous sommes prêts pour ces élections. Notre défaite à la présidentielle n’a pas douché notre engagement. Et puis sommes fiers de notre leader, le Président Jammeh. Il a respecté sa promesse de se plier aux résultats de la présidentielle. Nous ne sommes pas surpris par son geste. Le Président Jammeh ne fait pas partie des chefs d’Etat qui torpillent le choix du peuple.
Selon vous, qu’est-ce qui explique la défaite de Jammeh ?
Pour le moment, nous ignorons les véritables causes de la défaite du Président Yaya Jammeh. Nous sommes en train de mener nos enquêtes pour avoir une idée claire. J’ai entendu les gens dire que c’est à cause des insultes du Président Jammeh à l’endroit de la communauté mandingue que le régime a été défait. Mais le Président Jammeh n’a jamais insulté les mandingues.
Vous avez espoir que le président Barrow et sa coalition pourront propulser le développement dans le pays ?
Je ne le pense pas. Car à peine élus, ils installent la violence dans le pays. Avec le régime de Barrow, il y aura plus de paroles que d’actes pour développer le pays. Contrairement au Président Jammeh qui a de grandes ambitions pour la Gambie.
On reproche à Jammeh de violer constamment les droits de l’homme et d’embastiller son peuple. n’est ce pas une cause de votre défaite ?
C’est quoi droit de l’homme? C’est de la comédie. Ce sont des histoires que les toubabs veulent nous faire croire. Les toubabs ont développés leurs pays et ils veulent nous étouffer avec des histoires de droits de l’homme pour nous empêcher d’émerger. La coalition de Barrow qui crie partout que les droits humains seront désormais respectés, qu’elle l’applique une fois au pouvoir. C’est dans la pratique qu’ils se rendront compte, de l’erreur qu’ils ont commise. La société Sénégambienne repose sur des valeurs traditionnelles (aada ak cosaan) plutôt que sur des droits humains. Nous sommes en train de singer les toubabs au point de perdre nos valeurs.
Depuis l’élection de Barrow, on parle de la fuite des dignitaires du régime de Jammeh pour échapper la prison. qu’en est-il exactement ?
Je suis une victime de ces rumeurs. On a écrit dans les sites que j’ai volé beaucoup d’argent et j’ai été arrêté par les soldats à la frontière sénégalaise. Inquiets, mes parents et amis m’ont appelé toute la journée. Tu m’as trouvé chez moi, non. Pourquoi fuir? Qu’est-ce que j’ai fait pour fuir ? Je ne quitterai jamais ce pays, car je n’ai rien à me reprocher.
Craignez-vous d’être audités par les nouvelles autorités ?
Non. Pourquoi craindre des audits ? Nous n’avons pas peur d’être audités. Chaque année, il y a des commissions qui auditent la gestion de tous les départements ministériels et leurs démembrements. Donc, c’est la routine. Le Président ne protège personne et aucun ministre n’est épargné. Et gare à celui qui est épinglé par les auditeurs. En Afrique, si beaucoup de Présidents refusent de quitter le pouvoir, c’est parce qu’ils craignent d’être envoyés en prison. S’ils bénéficiaient d’une immunité, ils ne feraient que deux mandats avant céder le fauteuil. Ce n’est pas normal que d’anciens chefs d’Etat soient emprisonnés.
L’AS et seneplus.com