Détection précoce des cancers : Les travaux du Pr Celestino F. R. Pereira portent espoir

Le Pr Celestino Furtado Rodrigues Pereira est le premier africain à intégrer le cercle fermé des 40 cytologues du monde. Ce scientifique, né au Sénégal, a apporté des éclairages sur le classement des virus selon leur potentiel à favoriser la survenue ou non des tumeurs. Ses travaux sont une base inestimable pour la détection précoce et surtout pour la prévention des cancers.

Le Pr Celestino Furtado Rodrigues Pereira n’est pas une célébrité au Sénégal. Mais dans le monde scientifique, ce Sénégalais, né le 24 octobre 1964 à la Sicap, n’est plus un illustre inconnu. Il est dans l’infiniment petit, dans le monde des cellules. Il faut être patient pour s’y aventurer. Celestino Furtado Rodrigues Pereira est présent sur ce terrain complexe de la recherche. « La cytologie, c’est l’étude des pathologies cellulaires. Elle est très efficiente dans la détection précoce, voire préventive d’anomalies cellulaires, en particulier celles pouvant donner naissance à toute forme de cancer », explique le spécialiste.

Depuis 2000, leur équipe a repoussé les limites des examens des cancers gynécologiques. Au Laboratoire de biologie moléculaire de l’hôpital universitaire de Zurich, le Pr Pereira et ses collègues avaient pris la bonne décision de franchir un nouveau cap sur le chemin de l’affinement des examens gynécologiques de dépistage du cancer. Ils ne vont plus se contenter du diagnostic des altérations associées au Papillomavirus humains (Hpv) au stade sub-clinique ou cliniquement manifeste. Des techniques reposant essentiellement sur des observations cytologiques. L’équipe des chercheurs s’est alors engagée sur la voie de la détection de l’Hpv et surtout sa typisation, c’est-à-dire leur classement en utilisant la méthode « Chain-polymarase-réaction » (Pcr).

Ces deux analyses détectent, selon lui, tous les virus connus à ce jour. « La typisation permet une caractérisation exacte du type de Hpv non seulement en cas d’infection par un germe, mais aussi en cas d’infection par plusieurs types ou infection mixte », ont conclu le Pr Pereira et ses collègues. Ces deux analyses mettent aussi à nu des virus jusqu’ici inconnus. La connaissance de ces nouveaux virus est essentielle pour la bonne prise de décision en matière de traitement et de prévention des cancers.

Membre du cercle fermé de 40 académiciens
L’ancien élève du collège Sacré-Cœur et des Cours Sainte Marie de Hann a intégré le cercle restreint des cytologues les plus en vue au monde. Il est le 40ème scientifique et cytologue à recevoir la médaille d’or au Congrès international de cytologie. L’Académie internationale de cytologie lui rend ainsi les honneurs en lui décernant l’Award international de cytologie 2015 à Yokohama, au Japon, le 28 mai dernier. Ce parcours n’évacue pas ses inquiétudes. Furtado est dans le futur des examens médicaux. Ses travaux ont contribué à éclairer, par anticipation, la probabilité de la survenue des cancers et des tumeurs. Le combat dans lequel il s’est engagé a quelque chose de réjouissant : contribuer à la recherche de solutions aux infections qui tuent le plus à travers le monde.

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L’explosion de la prévalence des cancers l’angoisse depuis la Suisse où il s’est installé. « La prévalence de certains types de cancers au Sénégal est en grande partie causée par la toxicité de certaines composantes de nos habitudes alimentaires. C’est un problème qui requiert, de façon urgente, une politique d’éducation et de prise de conscience de notre population. Cette toxicité est la résultante de l’utilisation massive de pesticides, d’engrais chimiques, de produits de conservation (bouillon alimentaire industriel) », a affirmé l’universitaire qui parle français, allemand, espagnol, portugais, anglais, wolof et créole.

Il a eu à occuper les plus hautes responsabilités aussi bien dans les universités que dans les établissements sanitaires, comme à l’hôpital universitaire de Zurich, plus précisément à l’Institut de pathologie et de cytologie, entre autres. Il a contribué à la formation de beaucoup de spécialistes africains et européens avant de concevoir de nouvelles méthodes de diagnostic. Ce n’est pas par hasard qu’il a été désigné cytologue et scientifique de l’année 2015 par l’hôpital Suisse Aargau. La même année, plus précisément en novembre, à un autre niveau, ses pairs lui ont décerné l’International cytotechnologist Award. Ce passionné de la nage avait balisé son chemin. Il est auteur et co-auteur de nombreuses publications dans les revues scientifiques les plus cotées. Ce parcours n’évacue pas ses craintes, ses angoisses et ses inquiétudes.

L’usage incontrôlé des hormones de croissance
L’engraissement des poulets et des moutons l’inquiète. L’usage abusif des pesticides le préoccupe aussi. Ces techniques et pratiques agricoles pèsent sur l’augmentation de la prévalence des cancers. Il a été établi le lien de causalité entre ces pratiques et l’augmentation des infections pulmonaires chez les populations vivant sur les rives du Nil. Il a aussi démontré comment la dégradation de l’environnement peut entraîner des conséquences inattendues sur la fertilité de l’Homme.

« Les dernières études ont montré que plus de 90 % des spermes des animaux ont été modifiés et détériorés à cause des mauvaises conditions de l’environnement. D’autres récentes études dans les pays scandinaves et les recherches que j’ai menées dans les pays émergents ont confirmé que la quantité et la qualité, ainsi que la mobilité des spermatozoïdes ont été réduites de 45 à 50 %. J’ai trouvé l’homme avec un azosperma », s’alarme le cytologue.

Le praticien ne se contente plus de faire une radioscopie. Il propose une thérapie. « Il nous faut une approche scientifique non partisane pour relever ces défis au Sénégal et en Afrique », clame le cytologue qui a dénoncé avec vigueur l’usage incontrôlé des hormones de croissance dans l’élevage des poulets de chair et des moutons. Les incidences de ces maladies sur l’économie sont les arguments qu’il convoque pour convaincre les autorités et les Africains de la diaspora à investir dans la construction d’un centre d’excellence de cytologie. L’Afrique, dit-il, ne doit pas être absente sur ce terrain, d’autant plus qu’elle paie déjà un lourd tribut.

« Le coût de la construction d’un centre d’excellence de cytologie n’est pas comparable aux bénéfices qu’on peut en tirer », compare le scientifique. L’Afrique, interpellée par tous les problèmes, ne peut pas s’en sortir en restant dans une posture de spectatrice dans le domaine de la recherche. Elle a une population jeune qui doit être formée. C’est en relevant ce pari, notamment dans le domaine scientifique, qu’elle contribuera, de façon significative, à la résolution des problèmes communs à toute l’humanité, en particulier celui du cancer », conseille le scientifique.

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Le rapport avec le Mouridisme
Ce père de 5 enfants n’ignore pas l’histoire de sa famille au Sénégal. Les traces de celle-ci ont été retrouvées au quartier Sor de Saint-Louis depuis les années 1800. Ses aïeuls ont apporté leur pierre à la construction des premiers grands édifices religieux au Sénégal comme la cathédrale de Dakar érigée sur un ancien cimetière lébou et terminée en 1936 avec Mgr Jalabert. « Du temps de Mouhamadou Falilou Mbacké, deuxième khalife du fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba (Ndlr), nous avons participé à la construction de la Grande mosquée de Touba. Ma famille a connu Ahmadou Bamba au Gabon, en 1895. Mes arrières-parents étaient des navigateurs basés à Saint-Louis, et ils voyageaient à travers le monde », renseigne le cytologue, par ailleurs président de l’Association des Sénégalais de la Suisse allemande. Il est fier de l’harmonie religieuse du Sénégal qui lui rappelle le respect de la culture d’autrui en Suisse. « J’ai vécu dans un milieu panafricain et je respecte les Tidianes, les Layènes et les autres confréries autant que les catholiques. Nous sommes une grande famille au Sénégal. Je suis avant tout panafricain. Serigne Touba est une référence pour moi pour combattre toute forme de néocolonialisme », confie le chercheur.

Ses devanciers faisaient partie des 250 premiers éléments qui avaient quitté l’armée française après les guerres d’Algérie et du Vietnam pour fonder l’armée sénégalaise sous le haut commandement du lieutenant-colonel Sarazin. A Dakar, leur famille avait habité d’abord la Rue 15 Escarfait, puis Reubeuss (Cinéma Corona), ensuite Gueule Tapée et par la suite à la Rue 16 de la Médina, avant de s’établir à la Sicap Baobab dans les années 60. C’est dans ce quartier que ce scientifique a vu le jour.

Par Idrissa SANE / lesoleil.sn

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