Valorisation de la Charte du Mandé : Un texte précurseur des droits de l’homme, selon Hamidou Dia

Hier à l’Ifan, le philosophe Hamidou Dia a animé une conférence sur la Charte du Mandé. Une charte à partir de laquelle l’Afrique peut se réclamer en avance sur l’Europe sur les questions des droits de l’Homme notamment. C’est ce qu’a défendu hier, Hamidou Dia et le professeur de droit Samba Thiam qui ont rappelé que ce texte est « précurseur des droits de l’Homme et est inscrit au patrimoine de l’Unesco » avec un contenu qui est en phase avec la mondialisation.

«Nous ne connaissons pas assez notre histoire pour l’intégrer dans nos gouvernements. Nous ne fouillons pas notre histoire et quand on n’a pas d’histoire on n’existe pas.» Ces propos de Hamidou Dia, professeur titulaire de philosophie, indique bien sa position sur la nécessité de connaître son histoire. Pour lutter contre l’ignorance le conseiller du président de la République a voulu apporter sa pierre à l’édifice dans le cadre des rencontres sur les politiques culturelles au Sénégal, initié pour 6 mois. Hier face à un grand public, lors d’une conférence à l’Ifan, il est revenu sur le premier texte oral africain, la constitution d’une Afrique unie à l’époque : la Charte du Mandé dite de Kurukan Fuga ou Manden Kalikan qui est contemporaine de la Magna Carta. Se basant sur ce texte, Hamidou Dia affirme que chaque peuple produit une histoire et une culture. Pour lui, l’Afrique a été en avance sur l’Europe, en produisant en 1236, cette constitution qui est décrite comme précurseur des droits de l’Homme. Les droits de l’Homme qui, relève-t-il, ne sont pas une exception de l’Occident.
Le professeur de droit Samba Thiam affirme que «c’est à l’Afrique de parler de l’Afrique, ce n’est pas aux étrangers de parler de nous-même à notre place, avec le risque parfois de dénaturer notre histoire». «Il nous appartient nous-mêmes, de parler de nous-même » insiste-t-il. Mais en quoi cette Charte du Mandé est-elle précurseur des droits de l’Homme ? Plusieurs arguments sont avancés et le professeur de philosophie dit être sûr que la «Charte du Mandé peut être considérée comme la première charte des droits de l’Homme du monde moderne». Il rappelle que la Charte du Mandé est reconnue par le gouvernement malien, par l’Unesco, et l’Onu et qu’elle est donc un «patrimoine international». Face aux défenseurs des droits de l’Homme, aux étudiants et aux acteurs culturels, Hamidou Dia explique que «le texte nous dit des choses qui peuvent aujourd’hui nous parler», car «ce texte est en phase avec l’actualité dans le monde». Or, les «européens pensent très probablement que nous n’avons rien apporté au monde que nous parasitions le monde», s’est-il indigné.

La Charte du Mandé en phase avec la mondialisation
Le texte qui date de 1236, est composé de 44 articles qui évoquent la protection de la nature, de l’étranger, le respect de la femme, l’éducation, la parenté à plaisanterie entre autres. Dans son article 5 il est stipu­lé que : «chacun a le droit à la vie et la préservation de sa vie et son intégrité physique, en conséquence toute tentative d’enlever à son prochain la vie est punie de la peine de mort». De même, la charte parlait déjà de l’émancipation de la femme et de la parité : «n’offenser jamais les femmes car elles sont nos mères, les femmes en plus de leurs préoccupations quotidiennes doivent être associées à nos gouvernements». Hamidou Dia rappelle également que c’est dans la constitution du Mandé qu’il a été évoqué en premier, l’abolition de l’esclavage, avant la Déclaration universelle sur les droits de l’Homme. Il cite le passage qui stipule que «l’essence de l’esclavage est éteinte aujourd’hui d’un mur à l’autre, l’esclave ne jouit d’aucune considération dans le monde, il faut supprimer l’esclavage».La préservation de l’environnement n’est également pas omise dans cette charte qui recommande en son article 38 qu’«avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas la terre lever la tête vers la cime ». Une façon dit-il, d’inciter les gens à la préservation de la nature.

Une charte gage d’une paix durable
Selon Hamidou Dia, au moment de la conception de cette charte, Soundjata Kéita a eu une préoccupation constante, c’était de voir comment établir une paix durable dans un empire unifié. Mais «les buts diffèrent à l’ère de la mondialisation où il y a un choc des cultures», mentionne-t-il. Au-delà de faire régner la paix, le conférencier veut que la jeunesse s’approprie cette charte. Il lance à cet effet un appel pour sa vulgarisation. «Nous voulons que la charte soit connue par tout le monde. Nous nous battons pour que cette charte soit introduite dans nos enseignements et vulgarisée partout. La charte est un texte d’une grande puissance, si nous nous en inspirons la démocratie s’élargira.» Dans la même veine, le directeur de l’Institut des Droits de l’Homme et de la Paix, Samba Thiam estime que ce serait dommage pour ceux qui aspirent à la qualité intellectuelle, de vivre cette vie intellectuelle avec les outils des autres, avec leur culture et leur histoire. «Cela n’aura pas de sens ». M. Thiam demande aussi que la Charte du Mandé soit diffusée dans toutes les autres communautés pour réécrire notre histoire et entrer dans la mouvance pour la quête et la protection des droits de l’Homme. Pour lui, «L’Afrique doit avancer avec ses caractéristiques, son histoire et sa culture.»

Ignorance de la Charte du Mandé : La faute aux historiens selon des intervenants

Lors des débats il a été décrié l’ignorance jusqu’à ce jour de la Charte du Mandé. Certains intervenants s’en sont même indignés en soutenant que l’Afrique ne s’occupe pas de son histoire. « Nos historiens ont fauté car cette charte est presque méconnue alors qu’il s’agit de notre histoire, j’en veux beaucoup à nos historiens et je trouve qu’on parle pour rien » s’est tout simplement emporté une dame venue assister à la conférence. Abondant dans le même sens, Dr Hamady Bocoum, directeur de l’Ifan, pense qu’il est temps de cesser d’être des subalternes et des consommateurs pour mieux connaître notre culture. La conférence a aussi été l’occasion pour certains de soulever de nombreuses préoccupations : est-ce que la charte est un apport à la démocratie ? Pourquoi avons-nous ce besoin de formuler de la même façon qu’on nous a façonnés durant des années ? Des interrogations auxquelles Hamidou Dia répond en affirmant que sa perspective n’est pas le «nousaussisme», mais plutôt que la charte soit connue pour que les Africains puissent s’y recueillir et y apprendre l’histoire.
Pour ce philosophe, l’Afrique doit apporter quelque chose à la démocratie et «tant que nous ne nous réapproprions pas notre histoire, nous serons toujours piétinés», a-t-il poursuivi. Un avis que partage le professeur français, Jean Didier Vermenot qui reconnaît que les modes importés n’apportent rien à la culture et aux changements. N’empêche, il compte voir comment renforcer la connaissance de la Charte du Mandé dans les universités françaises.

Stagiaire / lequotidien.sn

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