Crise politique au Mali : de la contestation à la mise à l’écart de l’exécutif de la transition, en passant par le coup d’Etat

Avec l’arrestation et la mise à l’écart par les militaires du président de transition et de son Premier ministre,

le Mali connaît, neuf mois après un coup d’État, un nouveau rebondissement dans la période d’instabilité que traverse le pays. Retour sur une année de crise politique.

Le Mali s’est réveillé, mardi 25 mai, avec la désolation du déjà-vu. La veille, le président et le Premier ministre de transition ont été arrêtés par les militaires, un coup de force mené neuf mois après un putsch et vivement condamné par la communauté internationale.

Après avoir passé la nuit dans le camp militaire de Kati, près de Bamako, le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane ont été déchargés de leurs prérogatives, a annoncé mardi le colonel Assimi Goïta. L’homme fort de la junte les accuse d’avoir enfreint la charte de la transition qui, selon lui, se poursuivra comme prévu.

Le Mali se retrouve de nouveau plongé dans une crise inextricable et multiforme. Retour sur une année de crise politique.

Fin mars : législatives contestées après l’enlèvement du chef de l’opposition
Le 26 mars 2020, le chef de l’opposition Soumaïla Cissé est enlevé en pleine campagne législative. Des jihadistes présumés sont mis en cause dans ce rapt sans précédent pour une personnalité de cette envergure.

Trois jours plus tard, le premier tour de ce scrutin a lieu, maintenu malgré l’apparition du Covid-19. Le second tour se tient le 19 avril, mais le vote est marqué par des violences : enlèvements d’agents électoraux, pillages de bureaux de vote et explosion d’une mine, entre autres, font neuf victimes.

Le lendemain du second tour, la Cour constitutionnelle inverse une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du parti du président IBK. « C’est l’élément déclencheur de la colère, selon Nicolas Germain, spécialiste de l’Afrique à France 24. Mais vous avez une colère plus profonde, avec l’opposition qui dénonce un régime corrompu, ainsi que les violences jihadistes dans le nord et le centre du pays et les violences intercommunautaires. » Dès début mai, de nombreux Maliens mécontents battent le pavé.

Fin mai : alliance contre IBK
Face à la gronde, l’influent imam conservateur Mahmoud Dicko, des partis d’opposition et un mouvement de la société civile nouent le 30 mai une alliance inédite appelant à manifester pour réclamer la démission du président. Ils dénoncent l’impuissance du pouvoir face à l’insécurité, le marasme économique et la décision de la Cour constitutionnelle d’inverser les résultats.

Le 5 juin, les Maliens descendent par milliers dans la rue contre le président.

Malgré l’instabilité, le chef de l’État reconduit à la mi-juin le Premier ministre Boubou Cissé et le charge de former le nouveau gouvernement. IBK ouvre ensuite la porte à un gouvernement d’union nationale. Malgré ces promesses, des milliers de Bamakois réclament à nouveau dans la rue la démission du président, le 19 juin.

Les 7 et 8 juillet, le président indique qu’il pourrait nommer au Sénat des candidats aux législatives qui avaient été d’abord déclarés vainqueurs, puis donnés battus par la Cour constitutionnelle. Le chef de l’État ouvre alors la voie à un réexamen de la décision de la Cour constitutionnelle sur les législatives.

Mi-juillet : week-end de manifestations meurtrier
Le 10 juillet, une manifestation à l’appel du Mouvement du 5 juin, placée sous le signe de la « désobéissance civile », dégénère en attaques contre le Parlement et contre la télévision nationale. S’ensuivent trois jours de troubles civils, les plus graves qu’ait connus Bamako depuis 2012.

L’opposition évoque un bilan de 23 morts et plus de 150 blessés. Le Premier ministre, Boubou Cissé, parle lui de 11 morts, alors que l’ONU avance le chiffre de 14 manifestants tués. Pour tenter d’apaiser le climat, IBK annonce le 11 juillet la « dissolution de fait » de la Cour constitutionnelle.

Fin juillet-début août : échec des médiations et aggravation de la crise
Le 18 juillet, la contestation rejette un compromis proposé par la médiation de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), conduite par l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan. Cette proposition prévoyait le maintien au pouvoir du chef de l’État.

Le mouvement annonce le 21 juillet une trêve dans son mot d’ordre de désobéissance civile, afin que la fête musulmane de l’Aïd al-Adha se déroule dans le calme.

Le 27, les dirigeants de la Cédéao appellent les Maliens à « l’union sacrée ». L’organisation menace de sanctions ceux qui s’opposeront à son plan de sortie de crise, qui prévoit toujours le maintien au pouvoir du président Keïta, mais qui prône un gouvernement d’union et des législatives partielles.

Mais deux jours plus tard, le plan essuie un triple revers : l’opposition réclame à nouveau le départ du président et rejette la main tendue par le Premier ministre. Puis une trentaine de députés, dont l’élection est contestée, refusent de leur côté de démissionner comme le leur a demandé la médiation ouest-africaine.

Le 12 août, des milliers de personnes se rassemblent à nouveau à Bamako, réclamant la démission du président. Le lendemain, la contestation rejette une proposition de Goodluck Jonathan pour une rencontre avec le président Keïta et exige la libération de prisonniers.

Mi-août : coup d’État militaire
Le 17 août, l’opposition annonce de nouvelles manifestations dans la semaine pour réclamer le départ du président, avec en point d’orgue l’occupation d’une place symbolique au cœur de Bamako.

Dans la nuit du 18 au 19, une mutinerie de soldats se transforme en coup d’État. Les militaires qui ont pris le pouvoir poussent le président Ibrahim Boubacar Keïta à la démission. Dans une allocution retransmise par la télévision publique ORTM, le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, a assuré ne pas vouloir garder le pouvoir. Les militaires promettent d’organiser des élections générales « dans des délais raisonnables » afin de « permettre au Mali de se doter d’institutions fortes ».

Entouré de militaires armés, le colonel Assimi Goïta, se présente, le 19 août, comme le chef de la junte. « Le Mali se trouve dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus (de tout), le Mali d’abord », affirme-t-il.

De son côté, la coalition d’opposition à IBK, le M5-RFP, se félicite du coup d’État militaire, estimant qu’il avait « parachevé » sa lutte pour obtenir le départ du président. Elle se déclare prête à élaborer avec la junte une transition politique.

Septembre : Bah Ndaw président d’une transition de 18 mois
Le 12 septembre, le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta, s’engage à instituer un gouvernement pour rétablir un pouvoir civil dans les 18 mois, après l’adoption d’une « charte » de transition.

Dans le détail, cette « charte » indique que le chef de l’État par intérim peut être un civil ou un militaire et fixe à 18 mois la durée de la période de transition, qui devra être suivie d’élections, déclare Moussa Camara, porte-parole des discussions en cours. Le président par intérim sera désigné par des électeurs choisis par la junte, ajoute-t-il à l’issue de trois jours de négociations.

Le Mouvement du 5-Juin ayant mené la contestation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, rejette cette charte de transition. La coalition, composée d’opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile, dénonce « la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit » des militaires.

Retraité de l’armée, Bah Ndaw devient officiellement, le 25 septembre, président de transition au Mali pour une période de 18 mois. Le colonel Assimi Goïta devient quant à lui vice-président.

Octobre : des militaires aux postes clés du gouvernement de transition
Le 5 octobre, Bah Dawn nomme un gouvernement de 25 membres dans lequel les militaires obtiennent les postes clés. Moctar Ouane, un diplomate de carrière, est nommé Premier ministre.

Au moins quatre ministères stratégiques (la Défense, la Sécurité, l’Administration territoriale et la Réconciliation nationale) sont confiés à des colonels.

Le lendemain, la Cédéao décide la levée des sanctions imposées au Mali après le coup d’État afin de « soutenir » la transition censée ramener les civils au pouvoir.

Avril 2021 : le pouvoir fixe les élections présidentielle et législatives à début 2022
Le 15 avril, les autorités de transition dévoilent le calendrier électoral : les premiers tours de la présidentielle et des législatives sont fixés au 27 février 2022, et d’éventuels seconds tours respectivement les 13 et 20 mars. Ce double scrutin s’inscrit « dans le cadre strict du respect de la durée de la transition, c’est-à-dire 18 mois », souligne le ministre de l’Administration territoriale, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga.

La présidentielle et les législatives seront précédées le 31 octobre 2021 par un référendum qui doit permettre une révision de la Constitution, longtemps promise mais jamais concrétisée. Des élections régionales et locales sont également prévues le 26 décembre.

Mai : le président Ndaw et le Premier ministre Ouane arrêtés

Le 24 mai, le président, Bah Ndaw, et le Premier ministre, Moctar Ouane, sont arrêtés, quelques heures à peine après avoir formé un nouveau gouvernement. Confronté à une contestation grandissante, Moctar Ouane avait présenté le 14 mai la démission de son précédent gouvernement.

Le colonel Assimi Goïta, qui les accuse de tentative de « sabotage » de la transition, annonce le lendemain qu’ils ont été déchargés de « leurs prérogatives ».

La composition du gouvernement communiquée le 24 mai a, semble-t-il, mécontenté les colonels. Certes, elle conserve des militaires à des postes clés mais elle écarte deux figures de l’ancienne junte des portefeuilles primordiaux de la Défense et de la Sécurité.

Assimi Goïta a aussi indiqué, dans une déclaration lue à la télévision publique par un collaborateur en uniforme, que « le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022 ».

france24.com avec AFP
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