Le « gnam diodo » : réalité ou mythe au Fouladou.

Littéralement, « gnam diodo » signifie « manger, s’asseoir pour rester à jamais ». C’est une vieille pratique mystique et traditionnelle attribuée aux peulhs et héritée de l’ancien royaume du Fouladou.
Celle-ci consistait à fixer sur place une personne (homme ou femme), par le biais de pratiques mystiques, dans le souci de ne pas la perdre. A l’époque des mariages arrangés, les hommes ont utilisé plus fréquemment cette pratique pour garder leurs femmes insoumises non consentantes au mariage.

Moutarou Baldé sexagénaire, habitant du village de Sobouldé, précise que cette pratique existe et a été utilisée dans d’autres situations, comme par exemple dit-il, « quand un veuf, avec un seul fils, reçoit un étranger chez lui et que ce dernier montre certaines qualités, le « gname diodo » lui est appliqué pour qu’il ne parte pas et reste dans sa nouvelle famille d’adoption ».
Pour le faire dit-il, « on va couper une racine située vers l’Est d’un arbre appelé héloko, avec une tige de mil, les jeudis de bonheur. Ensuite, on enfouit la racine sur le seuil de la porte et on appelle trois fois le nom de la personne que l’on veut retenir. L’appel n’est qu’un prétexte pour que la personne en question traverse le seuil de la porte en trois aller et retour. Après quoi, le sable des empreintes des pieds est récupéré, ensaché puis cloué dans le bois du seuil de la porte. Et le tour est joué. Alors la personne concernée ne repartira jamais des lieux » explique-t-il.
« Cela se fait pour ferrer les femmes qui refusent leurs maris », poursuit Baldé. « Mais cela concerne les deux sexes. Il faut dire que les femmes le font aussi pour garder leurs époux infidèles. Il arrive dans notre société qu’une femme soit mariée avec un homme qu’elle n’aime pas. Alors on est parfois obligé de passer aux vertus du « gnam diodo » pour ne pas perdre l’investissement amoureux et matériel effectué lors du mariage », rappelle-t-il.

Un mode de vie de ces sociétés encrées dans la pure tradition qui continue de faire parler d’elle aussi bien pour l’autochtone que pour l’étranger.
Issa Diao, la soixantaine, de la commune de Bignarabé, dans le département de Médina Yoro Foula, constate : « le gnam diodo » n’est pas une personne concrète mais existe bel et bien dans notre terroir. Le terme répond à son nom « manger et rester à jamais ». Pour ferrer sa dulcinée récalcitrante, nous consultons parfois un marabout. Et ce dernier va nous remettre des potions mystiques que nous devrons verser dans le canari ou dans la marmite de la mariée. Quand elle mangera la nourriture ou boira l’eau ce sera fini, elle restera à jamais au sein du foyer. Tout ceci a pour but de ne pas perdre la femme ou l’homme qu’on aime », défend-il.
« Les pratiques du « gnam diodo » sont multiples en passant des potions magiques aux pratiques géomanciennes ou de la mise en évidence entre autres. Et quand la mayonnaise prend, les conséquences sont lourdes car, la personne sur qui elles sont appliquées, (homme ou femme), peut même se détourner de ses parents. Même si ces derniers viennent la chercher, elle refusera catégoriquement de rentrer chez les siens ».

Issa Diao explique que « le « gnam diodo » empêche l’envouté de venir en aide à ses parents quelque soit leur situation. C’est fait pour durer toute la vie. Même si l’époux insultait tous les jours sa femme, elle ne s’en ira pas. Elle mourra dans ce foyer. Nous voyons des hommes qui suivent partout leurs femmes sans connaitre les raisons. Ceci est une résultante de l’effet du « gnam diodo ». Beaucoup d’étrangers venus de contrées lointaines ne sont pas retournés chez-eux depuis des décennies à cause certainement de ce secret. Nous pensons que ceci est une réalité connue de tout le monde au Fouladou. Mais certains ne croient pas à ces réalités », souligne-t-il.

Cependant, madame Seydi professeur au Cem de Ndorna, précise que ces pratiques sont imaginaires : « je ne crois pas à ça. Et pourtant je suis mariée par consentement mutuel basé sur aucun fait mystique. L’amour doit être naturel et non source de pratiques occultes. En tout cas, moi je n’ai jamais vu un individu atteint par le « gnam diodo ». Nous ne devons pas pousser un individu à aimer un autre de force, par le biais de ces envoûtements ». Même si cela existe il arrivera que le temps use le mystique et conduit à l’éclatement du mariage. Je ne pense pas que cela puisse tenir longtemps car, le travail des charlatans n’est pas éternel ».
« Dans mon entourage, j’ai vu que l’amour doit venir tout seul et émaner du cœur. Seul un amour fort basé sur la sincérité peut résister à toutes les épreuves », affirme-t-elle.
Le premier reflexe du visiteur dans ces contrées reste la vigilance pour ne pas tomber dans le piège du « gnam diodo ». La curiosité sur ce mystère partage l’individu entre scepticisme et réalité.

Hamoud Diallo : actuprime.com

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