Des juifs et des arabes israéliens se mobilisent ensemble pour réclamer la paix, face aux violences

L’éruption de violence à Gaza a entraîné de nombreuses manifestations un peu partout dans le monde le week-end

dernier. Alors que certains dénonçaient les frappes aériennes israéliennes, d’autres condamnaient les roquettes tirées par le Hamas et soutenaient le droit d’Israël à se défendre. Des Juifs et des Arabes israéliens sont descendus dans la rue pour lancer un appel à la fraternité et lutter contre les violences entre les deux communautés qui ont éclaté au sein de l’État hébreux.

Depuis le 10 mai et le début des affrontements entre Israël et le Hamas, des heurts entre Juifs et Arabes ont éclaté dans le pays, principalement dans des villes mixtes judéo-arabes comme Jaffa, Lod, Acre, Nazareth, Bat Yam et bien entendu Jérusalem.

Mais des membres de ces deux communautés refusent cette escalade de violence. Certains sont descendus dans la rue dans un appel à la fraternité pour essayer de maintenir cette coexistence qui existe depuis des décennies. Sur Facebook, des Juifs et des Arabes ont aussi changé leur photo de profil pour y ajouter des slogans anti-guerre ou pour proclamer qu’ils « refusaient d’être des ennemis ». « Citoyens juifs et arabes d’Israël, vivons ensemble », a également affiché le quotidien Haaretz dans un édito publié mardi 18 mai, pour lutter contre ces divisions.

« Un message complexe »

Dubi Moran, un Juif israélien de Ramat Hasharon, une ville située au nord-est de Tel Aviv, a participé à ces manifestations. « Nous préférons parler d’existence, plutôt que de coexistence », explique-t-il à France 24. Cet homme travaille avec l’ONG Windows Channels for Communication, qui rassemble à la fois des Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie, de Gaza et des Juifs israéliens qui travaillent ensemble sur des programmes pour la jeunesse pour promouvoir la justice, la liberté, la dignité et l’égalité.

« Je suis en contact avec de nombreux citoyens arabes et plusieurs groupes de solidarité. Je ressens leur profonde frustration et leur peur, et la haine et l’hostilité qui bouillonne. Cela est très difficile. Ma seule source d’optimisme est de voir les actions que nous organisons, principalement les manifestations », raconte-t-il. « Je ne peux pas rester assis chez moi et perdre espoir. Les rassemblements ne donnent peut-être pas encore les résultats escomptés, mais ils sont quand même précieux. Nous devons continuer et faire en sorte de faire venir de plus en plus de monde, dans de plus en plus d’endroits. On ne pourra plus les ignorer », ajoute-t-il.

Les associations appelant à un rassemblement de tous les citoyens israéliens sont nombreuses et variées. Elles sont composées de groupes judéo-arabes, féministes, luttant contre la corruption du gouvernement, religieux ou encore laïques.

Plus d’une douzaine de groupes communautaires ont ainsi lancé, mercredi, un appel pour créer la plus grande chaîne humaine possible de la paix à Jérusalem. Dans plusieurs hôpitaux, des soignants juifs et arabes ont aussi fait le choix de l’apaisement, appelant au calme et publiant des photos où ils affichent leur unité. « Nous délivrons un message très complexe », résume Sally Abed, un membre de l’association Standing Together, l’un des groupes communautaires les plus importants. « Nous voulons aussi mobiliser la solidarité au sein de la communauté juive, mais beaucoup de ces citoyens subissent des attaques. Ils ont peur et ils veulent aussi entendre une dénonciation équitable des violences des deux côtés. Ils ne veulent pas entendre parler de l’occupation, mais de la fin des violences ».

« Bien avant l’escalade de violences, nous avons encadré des gens à Jérusalem, à Jaffa et dans plusieurs villes mixtes autour de plusieurs sujets d’intérêt commun. Depuis le retour des affrontements, nous avons été capables d’organiser des douzaines de rassemblements appelant à l’union entre Arabes et Juifs, réclamant un cessez-le-feu et la fin de l’occupation », décrit Sally Abed. En tant qu’Arabe israélienne, cette activiste estime qu’il était « absurde » de penser qu’une offensive à Gaza pourrait assurer la protection des Israéliens.

Avi Dabush, le directeur général du mouvement des Rabbins pour les droits de l’Homme, pense également qu’une « majorité silencieuse » d’Arabes et de Juifs veut un retour à une coexistence pacifique : « C’est réconfortant de voir que certaines personnes, même ceux qui ont peut-être peur, disent ‘Nous allons sortir et montrer que nous sommes la majorité’ et ne pas céder à la minorité. »

Bien qu’il ne soit pas rabbin lui-même, Avi Dabush a été élevé dans une famille juive orthodoxe. Il vit aujourd’hui à Sderot, près de la frontière avec la bande de Gaza, une zone qui a été la cible de centaines de roquettes tirées par le Hamas la semaine dernière. « Nous sommes en guerre et je vis dans une ville qui a été touchée par des tirs. Mais ce qui est le plus dangereux en ce moment, jusqu’à un certain point, c’est ce qui se passe au sein de la société israélienne entre les Juifs et les Arabes », explique-t-il.

Sally Abed de l’organisation Standing Together souligne également que ces manifestations dénoncent l’occupation israélienne des territoires palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza : « Nous pensons réellement qu’il n’y a pas d’autre voie pour faire cesser les violences. Il faut mettre un terme à l’occupation. Cela passe aussi par la création d’un gouvernement et d’un pays qui sert nos intérêts en matière de sécurité, de paix, de justice sociale et d’égalité économique ».

Les Arabes israéliens font « partie du peuple palestinien », ajoute-t-elle. « C’est un fait. Ce qui se passe là-bas, nous affecte ici. Cela ne rentre pas en contradiction avec notre volonté, notre désir et notre intérêt de devenir des citoyens israéliens et de faire pleinement partie de la société ».

Les manifestations communes ne sont pas le seul moyen de rassembler Juifs et Arabes. À Acre et Jaffa, des membres des deux communautés joignent leurs forces pour nettoyer les rues après les émeutes, pour réparer les dommages causés par les affrontements ou encore pour lancer des cagnottes pour aider les victimes des deux côtés.

Une asymétrie dans la réponse policière

Edouard Jurkevitch, chercheur et professeur en microbiologie à l’Université hébraïque de Jérusalem – il enseigne au campus à Rehovot –, a participé régulièrement à des rassemblements au cours des derniers mois dans des villes arabes. Il a pu constater que dans ces localités la criminalité est galopante, mais que les interventions de la police israélienne y sont rares : « Nous nous rendons à Jaljulia (une ville arabe) presque toutes les semaines pour soutenir la population dans sa lutte contre le crime local et contre le manque d’action du gouvernement israélien et de la police ».

La plupart des personnes interrogées pour cet article s’accordent sur le fait que le but de ces manifestations est de mettre un terme aux violences communautaires des deux côtés. Elles reconnaissent aussi qu’il y a une asymétrie dans la réponse policière. À la fin de cette semaine d’émeutes, 116 personnes ont été arrêtées par la police, toutes étaient arabes. « Aucun des colons israéliens, particulièrement violents, n’a été arrêté », note ainsi Sally Abed.

« Quand vous êtes dans la rue, vous voyez tout. Nous n’avons pas besoin de recevoir des informations des médias. Vous voyez la violence de la police, les inégalités et les injustices », précise également Neora Yaari, une résidente juive de la ville mixte de Ramle. « J’ai commencé à me joindre aux rassemblements de solidarité dans les villes de Jaljulia et Umm el Fahm, mais je ne suis jamais vraiment allée à Jérusalem. Peut-être que j’avais peur, je ne sais pas. Au début, je ne voyais pas la connexion avec Jérusalem-Est », décrit cette activiste.

Des Juifs et des Arabes manifestent, pourtant, dans le quartier de Cheikh Jarrah dans Jérusalem-Est depuis plus de dix ans pour dénoncer les expulsions de douzaines de familles palestiniennes par des colons juifs. Le mouvement a pris de l’ampleur et s’est intensifié au cours des derniers mois alors que la Cour suprême israélienne devait rendre une décision à ce sujet, le 10 mai dernier. Pour Sally Abed, la présence de manifestants juifs à Cheikh Jarrah était particulièrement importante : « Cela permet de désamorcer les violences policières ».

En avril dernier, Neora Yaari a aussi fait le même constat. Alors qu’elle participait à une visite du quartier, elle a été blessée par une grenade incapacitante de la police. « Cela m’a fait réaliser l’étendue des inégalités », explique-t-elle. « Nous avions toujours su qu’il y avait beaucoup plus de violences dans certains secteurs de la société israélienne, mais je ne pensais que c’était aussi grave ».

Une grève générale

Les manifestations à Cheikh Jarrah ont atteint leur paroxysme la semaine dernière, lorsque Itamar Ben-Gvir, un ultranationaliste, a installé un bureau en plein dans ce quartier. Cette provocation du député de l’ultradroite et de ses partisans a attisé la colère des Palestiniens et provoqué de violents affrontements qui ont secoué Jérusalem.

Ces échauffourées entre les manifestants, les colons et la police, ainsi que celles qui ont eu lieu à la mosquée Al-Aqsa dans la Vieille ville, ont été invoquées, le 10 mai, par le Hamas pour justifier ses tirs de roquettes contre Israël. En réponse, Israël a mené des bombardements meurtriers sur la bande de Gaza.

Depuis, Arabes israéliens, Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie ont lancé un mouvement de grève générale inédit pour dénoncer cette répression et surtout ces raids menés par l’État hébreu. La grève « est un pas de plus dans la série de protestations des Arabes », résume Taleb el-Sana, un Arabe israélien, ancien membre de la Knesset. « Cette grève générale dénonce les politiques irresponsables et dangereuses d’Israël sous le gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui attise le feu pour rester au pouvoir. Il sacrifie le peuple sur son autel personnel. Il essaie de monter les Juifs contre les Arabes, et vice-versa ». « Le problème, ce n’est pas les Arabes contre les Juifs, ni les Juifs contre les Arabes. Il faut faire en sorte qu’ils soient ensemble, ne formant qu’un contre Netanyahu et son gouvernement », affirme Taleb el-Sana.

Neora Yaari ou encore Dubi Moran ont aussi commencé à manifester contre le Premier ministre et son gouvernement. « Mais désormais, ce qui guide ce mouvement de protestation ce sont les liens entre nous. Il n’y a que la lumière qui dispersera l’obscurité. Nous n’obtiendrons pas ce que nous voulons en nous battant contre ce que nous ne voulons pas, mais pour ce que nous voulons », conclut Neora Yaari.
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