Sommet Afrique-France : les jeunes africains n’ont pas ménagé Emmanuel Macron

Au dernier jour du sommet Afrique-France, vendredi à Montpellier, Emmanuel Macron a reçu plusieurs

jeunes Africains afin qu’ils s’expriment sur des sujets aussi variés que la démocratie dans leurs pays respectifs, mais aussi les relations entre leur pays et la France. Le président français a aussi été interpellé sur le sort des migrants en Méditerranée, sur la restitution des œuvres d’art pillées au Bénin, ou sur la réduction du nombre de visas pour les ressortissants du Maghreb.

Venus de tout le continent, de jeunes Africains ont exprimé sans fard, vendredi 8 octobre, leurs attentes et frustrations sur la démocratie et la relation avec la France, interpellant directement le président Emmanuel Macron lors d’un sommet inédit Afrique-France à Montpellier, qui privilégiait la parole de la société civile.

Lors d’une séance plénière électrique et sous des salves d’applaudissements, sans complaisance mais avec humour, les onze jeunes – malien, burkinabé, kényan, camerounais… – invités à dialoguer, ont fustigé le « colonialisme », « l’arrogance » ou le « paternalisme français », et bousculé le président Emmanuel Macron. Ils ont secoué les usages et interpellé sans ménagement le président français, hôte de ce sommet inédit sans chefs d’État africains, privilégiant la société civile.

Défendant sa « sincérité » et niant tout « paternalisme », Emmanuel Macron s’est avoué « bousculé ». Mais, au cours d’un dialogue parfois tendu, il a réitéré ses fondamentaux sur les sujets de contentieux soulevés par les jeunes : colonialisme, soutien à des dictatures, interventions militaires…

« Arrêtez votre discours paternaliste ! Nous n’avons pas besoin d’aide, nous avons besoin de coopération », lui a lancé une jeune Malienne, Adam Dicko, n’hésitant pas à interrompre le président.

Un blogueur sénégalais Cheikh Fall, a quant à lui demandé à la France de « demander pardon au continent africain » pour les crimes de la colonisation. « Et cessez de coopérer et collaborer avec ces présidents dictateurs ! Et programmez un retrait progressif et définitif de vos bases militaires en Afrique ! », a-t-il lancé à Emmanuel Macron.

Adelle Onyango, une jeune ressortissante du Kenya, pays anglophone, a pour sa part sommé le président de s’engager à mettre « fin à la Françafrique » et ses pratiques opaques, et pointé les contradictions d’une France « arrogante », « enlisée dans des questions de racisme » et venant « donner des leçons de démocratie » aux Africains.

« Un travail de vérité » et non de « honte de soi et de repentance »

Tout en reconnaissant « la responsabilité immense de la France dans le commerce triangulaire et la colonisation », le président Macron s’est de nouveau refusé à demander pardon, privilégiant « un travail de vérité » et non de « honte de soi et de repentance ».

Répondant aux accusations de soutien à des tyrannies et aux critiques sur les interventions militaires, il a réitéré ses fondamentaux : « la France est là militairement à la demande » des pays africains. Et a renvoyé ces derniers à leurs responsabilités : « c’est pas moi qui vais faire l’école, c’est pas moi qui vais faire la police… Jamais une intervention militaire ne remplace le travail d’un État », a-t-il lancé. Avant de lancer lui aussi des piques concernant « ce continent qui est jeune, dirigé depuis trop longtemps par des personnes qui sont vieilles ».

Saluant la « part d’africanité de la France » et « la chance d’avoir une diaspora » dont les membres sont « totalement français », a-t-il insisté, le chef de l’État a également fait allusion aux débats identitaires qui marquent les débuts de la campagne présidentielle française, et qui ont été pointés à plusieurs reprises par les participants du sommet.

Le panel de jeunes Africains qui ont interpellé le chef de l’État français avait été sélectionné à l’issue de dialogues menés pendant des mois à travers le continent par l’intellectuel camerounais Achille Mbembe, chargé de piloter le sommet.

Restitutions

Avant cette séance plénière, arrivé en fin de matinée, Emmanuel Macron, hôte et unique président de ce sommet sans chefs d’État, est passé de table ronde en table ronde. Sur le stand consacré aux restitutions d’œuvres pillées, le chef de l’État a annoncé que la France redonnerait fin octobre au Bénin 26 œuvres d’art provenant du « Trésor de Béhanzin », pillé au palais d’Abomey en 1892 pendant les guerres coloniales.

Il met en œuvre un engagement pris en novembre 2018, dans le cadre de cette « nouvelle relation » que la France entend nouer avec le continent et dont les restitutions constituent l’un des points saillants.

Le président a été interpellé à plusieurs reprises par des participants. « Je n’en peux plus de voir la jeunesse africaine mourir dans la mer [Méditerranée pour gagner l’Europe] », lui a lancé une femme.

Un jeune Guinéen l’a ensuite exhorté à « soutenir la transition guinéenne » après le putsch qui a renversé le président Alpha Condé en septembre, dont Emmanuel Macron a convenu que « le troisième mandat n’était pas opportun ».

Attentes et frustrations

Pour la première fois depuis le début des sommets Afrique-France en 1973, cette rencontre excluait les chefs d’États du continent.

Venus du Burkina Faso, du Mali, de République démocratique du Congo (RDC), du Maroc… les jeunes invités de la société civile avaient beaucoup de choses à dire à la France, concernant l’héritage colonial, la politique des visas ou l’aide au développement. Dès l’ouverture du sommet, auquel ont été conviées quelque 3 000 personnes, la table ronde « Engagement citoyen et démocratie » a ainsi attiré de nombreux spectateurs et intervenants.

« Nous avons l’espoir que Montpellier soit un nouveau départ. Qu’on écoute le terrain africain, la jeunesse africaine, elle a des choses à dire au monde et à la France », a lancé Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute.

Évoquant la décision récente de Paris de réduire drastiquement le nombre de visas pour les Algériens, les Marocains et les Tunisiens, Mehdi Alioua, professeur de Sciences politiques à Rabat, a déploré une « punition collective » et dénoncé la politique des visas comme un « système d’humiliation [et] de vexation », sous les applaudissements de l’assistance.

La question de la mobilité reste une préoccupation très importante de la jeunesse africaine, qui n’a pas vu se concrétiser les promesses d’Emmanuel Macron quatre ans après son discours de Ouagadougou.

Autre sujet très abordé, l’état de la démocratie sur le continent africain, et l' »ingérence française ».

Condescendance

« Nous sommes coincés entre un discours condescendant occidental qui veut éduquer les Africains et un discours de nos gouvernements affirmant que les Occidentaux veulent imposer leurs valeurs », a déploré une jeune étudiante de l’université Aix-Marseille, Habiba Issa Moussa, d’origine nigérienne.

« Les questions essentielles ici, ce n’est pas l’entrepreneuriat ou le sport [largement évoquées au sommet de Montpellier, NDLR], c’est la politique ! » a lancé pour sa part la burkinabè Sibila Samiratou Ouedraogo, fustigeant « la relation de dépendance » de l’Afrique à la France.

À l’issue du sommet, le président français, probable candidat à sa réélection dans sept mois, pourrait faire d’autres annonces, s’appuyant sur les propositions d’Achille Mbembe. Parmi elles, la création d’un fonds destiné à soutenir les initiatives de promotion de la démocratie, des programmes permettant une plus grande mobilité étudiante, ou la mise en place d’un « forum euro-africain sur les migrations ».

Le tout dans un contexte particulièrement délicat. L’influence de la France dans son ancien pré-carré est de plus en plus disputée, particulièrement par la Russie. Et Paris est en crise ouverte avec deux de ses anciennes colonies, le Mali et l’Algérie.

france24.com avec AFP
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