Le réalisateur américain ouvrira le Festival de Cannes pour la troisième fois avec Café Society. Une habitude dont Thierry Frémaux ne se lasse pas.
Woody Allen est entré dans les moeurs cannoises. À tel point que les organisateurs du festival jugent presque inutile de justifier la sélection du dernier long-métrage du réalisateur américain, Café Society, comme coup d’envoi des festivités le 11 mai prochain. « On aime beaucoup le film, déclare Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, en guise d’explication. Avant d’ajouter, tout de même : « Woody Allen à Cannes, c’est comme Molière à la Comédie-Française. »
Depuis Manhattan en 1979, le cinéaste a présenté quatorze de ses films sur la Croisette. Trois d’entre eux ont fait l’ouverture : Hollywood Ending en 2002, Midnight in Paris en 2011 et Café Society cette année. En 2015, L’Homme irrationnel figurait parmi les sélectionnés hors compétition, car Woody Allen refuse obstinément de se soumettre au vote du jury. « J’aime le concept du festival en lui-même, le fait qu’une fois par an tout le monde, tous les acteurs et les réalisateurs se retrouvent à Cannes pour montrer leur travail », confiait-il l’an dernier au Point. « Mais qui est habilité à dire que telle oeuvre est mieux que telle autre ? Qui peut juger qu’un Matisse est meilleur qu’un Picasso ou qu’un Jackson Pollock ? Si je viens, j’aime pouvoir regarder le film d’un autre réalisateur sans me mettre à penser : Oh, son film est meilleur que le mien ! Ce n’est pas juste, ils ont préféré son film au mien. Ou bien : Ils préfèrent le mien, mais je ne le mérite pas. C’est à se rendre fou. »
Les organisateurs du Festival de Cannes ne s’offusquent pas plus de cette fantaisie. « Vous savez, il n’est même pas allé chercher son oscar, rappelle Thierry Frémaux. J’ai réussi à le convaincre en 2002 de venir à Cannes, car, avant, il ne venait jamais. Même l’idée d’accompagner ses films lui était étrangère. Il ne refuse pas le principe de Cannes parce que, le festival, c’est aussi des films hors compétition. C’est un amoureux de Cannes. Il ne va quasiment jamais dans les autres festivals. »
Avec Kristen Stewart, Jesse Eisenberg, Steve Carell et Blake Lively, le long-métrage raconte l’histoire d’un jeune homme qui se rend à Hollywood dans l’espoir de travailler dans l’industrie du cinéma. Il tombe amoureux et se retrouve plongé dans l’effervescence de la Café Society, club très prisé composé d’artistes et de mécènes qui a marqué cette époque. Sur le papier, Café Society est un film bien commode pour une ouverture : un voyage romantique dans le Hollywood des années 30 et la promesse d’une belle montée des marches avec un casting cinq étoiles.
Amazon entre dans le jeu
La solution de facilité pour le Festival de Cannes ? Son délégué général balaie adroitement les critiques éventuelles : « L’an dernier, le film d’Emmanuelle Bercot (La Tête haute) faisait l’ouverture. Vous ne m’avez pas appelé pour me dire que c’était le choix de la facilité, parce que c’était le choix du risque. C’était une inconnue, un film social, pas du tout dans la tradition glamour de l’ouverture. C’était une prise de risque, et ça s’est très bien passé à Cannes et en salle. »
C’est la première fois qu’un film destiné à une plateforme de visionnage en ligne (en l’occurrence, Amazon) occupe une place aussi importante à Cannes. Les droits de distribution nord-américains de Café Society ont été acquis par les studios du géant américain. Après une sortie en salle aux États-Unis, le film sera exclusivement distribué sur le service en ligne Amazon Prime. En France, où Amazon Prime n’existe pas, Café Society sortira le 11 mai, le jour de l’ouverture de l’événement cannois. Faut-il y voir le signe de l’arrivée imminente de productions d’un nouveau genre (c’est-à-dire produites par Netflix et d’autres plateformes de streaming) sur le tapis rouge ? Thierry Frémaux botte en touche : « Cannes montre les films de cinéma et Café Society est un film de cinéma. »
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