C’est la somme de 43.512.150 fcfa qui a été retenue par le Conseil départemental de Tambacounda pour organiser la deuxième édition de sa SEDALC (Semaine Départementale des Arts, des Lettres et de la Culture). L’on se demande vraiment si tenir ce genre de manifestation est pertinent. Constitue-t-il une priorité pour les populations ? Initier un tel événement pour ensuite se cacher derrière une croyance du genre la culture au service du développement :
– c’est oublier que la région de Tambacounda fait partie des régions du Sénégal les plus pauvres ;
– c’est oublier que le taux de chômage chez les jeunes n’a pas connu de baisse considérable ;
– c’est oublier que 5.609 ménages dans le département de Tambacounda sont en situation d’insécurité alimentaire depuis 2015 ;
– c’est oublier que Tambacounda est récemment inscrite, par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix rouge (Ficr) en Afrique de l’Ouest, sur la liste des régions du Sénégal dont les populations sont les plus mal nourries ;
– c’est oublier que le lycée Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda se dirige lentement vers sa vétusté ;
– c’est oublier que les disciplines autres que le football pâtissent de l’insuffisance de moyens logistiques et financiers.
Au cours du CRD préparatoire, un artiste local, porte-parole de ses collègues a fait comprendre à l’assistance qu’ils ne tirent pas leur épingle du jeu au cours de ce festival. « Les gens préfèrent signer avec des artistes nationaux pour leur remettre des cachets conséquents, alors que nous on n’est pas suffisamment payé » s’indigne-t-il. Cette confidence ne prouve- t- elle pas que les objectifs de la SEDALC sont biaisés dés le départ ?
L’artiste plasticien M. Ousmane Dia exige que l’on revoie la manière dont les festivals du Sénégal oriental sont organisés. Mais il ignore que le Conseil départemental avec sa SEDALC ne fait que divertir les tambacoundois pour ne pas financer le développement de leur département. Nous estimons que la SEDALC est une échappatoire, une astuce bien ficelée par ledit Conseil pour ne pas faire face aux vrais défis tambacoundois, une stratégie bien pensée pour nourrir des exigences de l’ego de quelques dirigeants.
Pour être à plein dans l’acte III de la décentralisation, les millions de kopeck auraient servi à une bonne gestion et à un meilleur entretien des hôpitaux de niveau 1 et 2. Ils auraient servi à l’acquisition de manuels, de fournitures scolaires et de matériels didactiques pour les lycées d’enseignement technique et professionnel y compris les centres de formation professionnelle. Ils auraient servi à l’équipement et à l’entretien des lycées et collèges d’enseignement général. Ils auraient servi à l’appui au financement des projets productifs pour les populations déshéritées. Ils auraient servi à la promotion du partenariat école-entreprise. Ils auraient servi à une allocation de bourses et d’aides scolaires et à la mise en œuvre du contrat plan avec l’Etat pour la réalisation de projets de développement, etc.
Malheureusement nous sommes toujours dans le festif, le folklore, le temporel avec comme éternel argument la culture au service du développement. Si certains pays profitent aujourd’hui de leur émergence c’est parce qu’hier ils ont consentis des efforts dans des révolutions industrielles qu’ils ont déclenchées mais pas en dansant et en chantant. Nous pensons que c’est après avoir installé les conditions de l’émergence et avoir résolu quelques difficultés qui, n’ont d’ailleurs pas raison d’être, que nous pouvons nous appuyer sur des festivals pour espérer en tirer une valeur ajoutée.
Avec des structures sanitaires peinant à satisfaire les besoins du patient, des collèges d’enseignement qui ne disposent pas de toutes les conditions et avec plus de 50% des ménages dans la commune de Tambacounda qui ont du mal à assurer les 3 repas du jour en 2015. Dites-moi réellement si on peut se permettre de gambader et de « meugler » durant toute une semaine.
Et lorsque nous nous apprêtons à lâcher les derniers propos de cette présente contribution, nous apercevons de loin les défenseurs de ce festival couverts d’un manteau de partisan politique en train de s’armer verbalement pour nous condamner à la guillotine de la critique. C’est parce qu’ils ne savent pas que :
« La décentralisation constitue une approche qui doit privilégier la participation des citoyens à l’élaboration des politiques de développement dans les domaines les concernant. Le citoyen pris isolément, et en tant que personne physique a la possibilité de formuler des propositions aux autorités locales dans le cadre de la gestion des affaires locales. Il en est ainsi, parce que les populations vivent quotidiennement leurs difficultés. Elles sont mieux placées que quiconque pour définir leurs priorités dans la mesure où les besoins varient d’une localité à une autre » écrit l’experte en droit des collectivités locales, Maimouna Aly Sy dans son ouvrage publié en 2015 et intitulé, Les innovations du code général des collectivités locales au Sénégal.
Amédine Faye : actuprime.com
Chronique de Tambacounda : Divertir pour ne pas financer.
