Rumeur et opinion publique : la chronique de Alhousseynou Yoro Diallo

Quand la rumeur alimente les conversations et a comme relais des media réputés et des personnes écoutées,

elle ne doit plus faire sourire. Le crédit ainsi apporté transforme la rumeur en opinion publique. La rumeur qui n’a aucun fondement trouve une légitimité et se mue en « vérité » parce que relayée par un support médiatique reconnu. La rumeur, comme source, pose moins d’exigence dans la quête de l’information. La course ne se fait plus vers le haut mais, plutôt, vers le bas.
La rumeur est plus une source de manipulation qui cache une carence ou qui sert des desseins inavoués.
Par elle, la science des maîtres dans l’art est contestée par des apprentis sorciers portés par leurs ambitions et la crédulité d’une bonne partie de la population.
C’est ainsi qu’on entend souvent, dans les media et dans des conversations, des annonces du genre « grosses révélations », « aveux de taille », « pertinente analyse », un tel « clôt le débat » ou « corrige » ou « recadre » un tel autre, etc.
On ouvre grand les oreilles ou les yeux et on entend ou lit des propos sans aucun fondement autre que la « conviction » de leurs auteurs sans aucune argumentation solide.
Souvent ces propos sont un aveu d’ignorance. Quand un aveu d’ignorance suscite l’admiration du grand public, les intellectuels s’effacent (se cachent) avec l’arrivée sur la scène publique de nouveaux modèles avec en bandoulière l’arrogance et la violence dans les attitudes pour dissuader d’éventuels contradicteurs.
On assiste à une inversion du complexe.
Ceux qui devaient se cacher sont sous les projecteurs!
Les intellectuels (nous ne parlons pas seulement de ceux qui utilisent comme support le français) n’osent plus s’exprimer parce que l’argument le mieux accepté est l’arrogance. Pour mieux ferrer l’auditoire on adopte une attitude pédante, une posture intellectuelle, un air mystificateur pour dire qu’on en sait beaucoup plus qu’on ne le dit.
Les postures agressives sont dissuasives. Il faut élever la voix pour se faire entendre.
Pendant longtemps les limites étaient fixées par le savoir. Une opinion se construisait dans une démarche scientifique avec des repères clairement définis. Dans notre société en crise, les repères bougent sans cesse et cela dans tous les aspects de la vie : politique, économique, religieux, culturel, etc.
Les titres et les analyses qui nous sont servis montrent que certains mots ont perdu leur sens premier : il en est ainsi d’analyse, de fait, de pertinence, etc.
Cette perte de repères ou plutôt le déplacement des repères fait évoluer notre perception des évènements.
Ainsi, longtemps rejetés et condamnés, de plus en plus les populations, de manière générale, des intellectuels et même des politiques applaudissent les coups d’État et les appellent de leur vœu.
Seulement, et c’est là le paradoxe, dès le lendemain de la réalisation de ce vœu, les mêmes voix s’élèvent pour appeler au rétablissement de l’ordre constitutionnel avec la possibilité pour les putschistes de participer aux élections s’ils renoncent à la tenue. Mais est-ce la tenue qui fait le soldat ? Ces hommes restent des soldats dans l’âme. C’est un jeu de dupes.
Il est vrai que nous sommes entrés dans une période assez particulière où les adeptes de la politique de l’autruche sont nombreux. Se voiler la face, laisser la plaie se gangréner quitte à supporter une puanteur est devenu un jeu favori de tous.
Oui, notre société est bien malade et nous le savons tous. Mais cette plaie béante ne nous intéresse pas. Nous sommes attirés par des histoires personnelles, par des faits divers.
Ce pays qui avait des valeurs comme la retenue, la discrétion, est devenu celui de l’ostentation et du déballage dans pratiquement tous les aspects de la vie.
Il n’y a plus d’intimité, de vie privée, il n’y a plus de retenue.
Tout le monde est exposé. La magie du petit écran et du micro lève le voile sur ce qui relève du privé.
On épie, on regarde par les trous de serrure, les caméras ne s’intéressent plus à l’objet de l’évènement mais aux détails.
Et l’épiphénomène peut retenir en haleine pendant des jours voire des semaines faisant oublier le phénomène qui devait retenir l’attention.
Et l’on épilogue sur la manière dont un foulard est attaché, dont un doigt a été dressé, etc.
Nous avons appris de Birago DIOP que « quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît ».
Les débats se focalisent sur des détails, chacun amenant « le fagot qui lui plait » et, malheureusement, les bois de ce fagot ne feront jamais un foyer ardent (lieu d’apprentissage) ou un feu pour faire mijoter un bon plat dont on pourrait se régaler, au profit de tous.
Cependant, les esprits n’ayant pu être « éclairés » et rien n’ayant pu être « préparé », les esprits embrouillés et les ventres affamés font monter la tension.
Quand la connaissance cède le pas à l’ignorance, la science à l’empirisme en toute chose nous ne devons pas être surpris par des échecs et des reculs notés dans plusieurs secteurs.
On ne peut pas faire l’économie du savoir sous quelque prétexte que ce soit.
L’homo sapiens a précédé l’homo faber, la réflexion doit précéder l’action.
L’ostentation, le paraître a envahi tout notre espace. Il ne faut plus être pour compter, il faut paraître et même pire il faut faire semblant et même dans la pratique.
Le monde du spectacle a imposé son mode de fonctionnement.
La connaissance est humilité, modestie, réserve. Elle cherche à échapper au regard car le savoir ouvre les yeux sur l’immensité de l’ignorance.
La banalisation de tout, de la connaissance, des vertus, de l’âge, de l’expérience, de l’expertise, des structures d’éducation et de formation, des professions et des fonctions nous tire vers un gouffre sans fin!
Pas besoin de diplômes ni de vertus pour faire un travail nous dit-on! La volonté suffit! Réfléchir, surtout aux conséquences, est un acte de faiblesse. Il faut agir!
Le courage suffit à se lancer à la réalisation de son rêve : et la mer rejette des corps sans vie de jeunes à la fleur de l’âge. Que de désolation.
Les intellectuels ont l’obligation d’être courageux. Le courage c’est de défendre et de vivre ses convictions. La vérité scientifique, dans tous les domaines, doit être révélée. La cacher est criminel.
La ligne de masse est une hypocrisie si elle ne vise pas à créer les conditions du dialogue pour avoir la possibilité de convaincre.
Accepter d’être vaincu pour convaincre.
Ressaisissons-nous !

Alhousseynou Yoro DIALLO
Chevalier dans l’ordre national du lion
alhousseynoudiallo12@gmail.com
ActuPrime – La primeur et la valeur de l’information – Sénégal

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