Rob Ford, l’ancien « maire fumeur de crack » de Toronto, est mort

Un homme « bigger than life ». Voilà une expression typiquement anglo-saxonne – littéralement « plus gros que la vie » – qui collait à la peau de Rob Ford depuis ses premiers pas dans la vie publique canadienne. L’ancien maire de Toronto, qui siégeait toujours au conseil municipal de la ville, est mort mardi 22 mars à l’âge de 46 ans, des suites d’un cancer dont il souffrait depuis 2014.

De sa carrière politique, c’est surtout une litanie de surnoms qu’on retiendra. « Le maire fumeur de crack », « la boule de démolition », « le boxeur »… tous décrivaient ce personnage haut en couleur, qui avait, pendant quelques semaines, attiré les caméras du monde entier vers la mairie de la plus grande ville canadienne, d’ordinaire plutôt réputée pour son charme bourgeois et tranquille.

« Personne n’est parfait »

« Oui, j’ai fumé du crack. » L’assertion, prononcée en novembre 2013 par le maire d’une ville de 2,5 millions d’habitants en plein conseil municipal, avait de quoi surprendre. Acculé, Rob Ford avait pourtant été obligé, après quatre ans de mandat, de reconnaître avoir consommé cette forme de cocaïne qui se fume. Un aveu inédit, conséquence d’une série de révélations de la presse et de la police, le montrant dans des vidéos en compagnie de membres de gangs, une pipe à crack dans la main, ou encore dans son bureau, titubant et visiblement dans un état second, vitupérant contre un ennemi politique et le menaçant de mort. « Clairement, j’étais extrêmement, extrêmement ivre. Je ne souhaite à personne d’être dans cet état », avait alors commenté l’édile.

Cette repartie ne l’a jamais quitté. « J’ai parfaitement conscience que j’ai des problèmes personnels. J’ai uriné dans un parking, par exemple… Mais qu’est-ce que ça a à voir avec ma politique ? », interrogeait ainsi Rob Ford lors d’une éphémère émission de télévision, intitulée « Ford Nation », et lancée pour « contrecarrer l’acharnement médiatique ». « Je suis juste un type normal, répétait-il en haussant ses larges épaules d’ancien footballeur, personne n’est parfait. »

« Maverick »

Le « type normal » a pourtant connu un destin hors du commun. Né dans une famille qui avait fait fortune dans la vente d’autocollants, Rob Ford avait été biberonné aux soirées mêlant hommes d’affaires et politiciens, souvent organisées dans le jardin de ses parents, dans la banlieue cossue d’Etobicoke. Un fief familial qui, même au plus fort des frasques du politicien, est resté un soutien indéfectible.

L’intelligence politique de Rob Ford avait pourtant été de faire oublier ses origines bourgeoises. Au fil des campagnes, il s’était taillé une réputation de « Maverick », un de ces indépendants qui se bat contre le système et « l’establishment ». Arpentant sans relâche le terrain, il mène la guerre au train de vie opulent des élus, ce « gravy train », qu’il dénonce à longueur de discours. En 2001, le conseiller municipal tout juste élu s’illustre en exigeant que les limousines soient retirées des avantages en nature des conseillers municipaux, et que leur budget consacré aux voyages soit réduit de 200 000 dollars canadiens (140 000 euros).

En 2010, capitalisant sur la colère des citoyens de banlieues qui se jugent désavantagés par rapport aux élites du centre-ville, Rob Ford accède à la fonction de maire. A ce poste, il poursuit sa stratégie populiste, lançant notamment une émission de radio libre avec son frère Doug, également conseiller municipal, dans laquelle il répond en direct aux coups de téléphone des résidents de la ville pour garantir le service après-vente de sa politique. Le maire obtient dans le même temps une grande victoire en réussissant malgré les réticences du conseil municipal à réunir des fonds pour construire une ligne de métro dans un faubourg de Toronto, Scarborough, promise durant sa campagne. Il poursuit sa politique de réduction des coûts de l’administration, et abolit dans le même temps une taxe très impopulaire sur l’immatriculation des voitures, confortant là encore sa cote de popularité dans les banlieues de la ville, largement enclavées.

« Nous n’abandonnons jamais »

Mais au fil des mois, la « machine Ford » se grippe. Les scandales s’accumulent, et, chaque jour, les talk-shows américains se régalent des nouvelles aventures de ce Canadien qui leur rappellent tant leurs propres excès : Rob Ford adresse des insultes racistes à un chauffeur de taxi pakistanais, Rob Ford menace des journalistes, Rob Ford charge une élue en plein conseil municipal…

En fanatique de sport en général et de football américain en particulier, Rob Ford ne s’avoue jamais vaincu. Visé par une procédure de destitution à la fin de l’année 2013, il décide, après un séjour à l’hôpital de plusieurs mois pour « soigner ses addictions », de se présenter pour un nouveau mandat à la tête de la ville de Toronto, promettant même, en une provocation ultime, de viser ensuite « le poste de premier ministre ».

Mais en septembre 2014, un mois avant l’élection, Rob Ford annonce le retrait de sa candidature au profit de son frère – au physique et au tempérament relativement semblable –, après la découverte d’une forme rare de cancer, le liposarcome. Doug Ford n’obtient finalement que 34 % des suffrages, contre 40 % au conservateur modéré John Tory.

Rob Ford, qui avait toutefois maintenu sa candidature dans la première circonscription d’Etobicoke, est plébiscité pour un quatrième mandat de conseiller municipal. Dans son discours de victoire, le débonnaire élu avait donné rendez-vous à ses électeurs en 2018 pour reconquérir la mairie. « Nous n’abandonnons jamais. Dans quatre ans vous verrez un autre exemple que la famille Ford n’abandonne jamais. »

lemonde.fr

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