Le rêve désespéré des villes africaines, après 60 ans d’urbanisation depuis les indépendances

Près de 60 ans d’urbanisation après les indépendances ont mené les villes africaines vers quels horizons ?

Au moment où le continent brille par des taux de croissance élevés jamais égalés, la vie dans les cités en matière de logements, d’habitats et d’insertion des citoyens dans des espaces corrects, reste un véritable casse-tête pour les autorités publiques, municipales et locales. Inondations persistantes, hygiène publique défaillante, accès à un logement décent presqu’impossible, il est à croire que la vie dans la ville est aujourd’hui sans avenir pour les pauvres.

Grande métropole d’hier, même Dakar n’a pas encore fini de biffer de ses cartes, les zones à risques et les impacts d’un urbanisme fait à la va-vite pour le confort de politiciens et d’élus peu recommandables des fois. L’anarchie dès la moindre pluie reste un signe évident de malveillance des autorités municipales et même au niveau du sommet de l’Etat. Avec des quartiers flottants sans assainissement, des réseaux d’égouts à ciel ouvert envahis par les herbes et les ordures, une voirie devenue inadaptée au trafic en cours, ajoutez à tout cela, la mauvaise organisation de l’habitat et du logement, que vous n’aurez pas fini de constater que des villes africaines comme Kinshasa, Dakar ou Lagos, n’ont pas fini de compter des victimes et de mal logés, chaque fois qu’une forte pluie s’abat sur la cité.

Dernier exemple en date sur la carte des risques urbains en Afrique, les graves inondations qui ont eu lieu à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo et qui ont fait quelque 45 morts. Dans ce pays vaste comme dix fois le Sénégal, les questions de gouvernance urbaine se pose presque dans toutes les villes. Hier, vaste territoire occupé par les Belges, puis par les Congolais après les indépendances, Le Congo a compté parmi les plus belles villes en Afrique. Mais çà, c’était l’époque des belges. Au fil des années, après, le temps passe et, tout ou presque a été laissé tel quel. Et, dans le lot, le Léopoldville d’hier et le Kinshasa d’aujourd’hui s’opposent en tout.

De l’Afrique des villages dont parlait le sociologue camerounais Jean Marc Ela, on est passé à une autre Afrique celle des villes qui ne ressemble pas à grand-chose sur la carte. Dakar, Abidjan, Lomé, Lagos ou Cotonou sont des villes polluées, soumises aux intempéries et à toutes les formes de vulnérabilité connues dans le monde. Inondations, effets cycloniques, pauvreté et misère, impact des changements climatiques, auxquels on pourrait ajouter la mauvaise gouvernance au niveau local, municipal et même au sommet de l’Etat.

Kinshasa victime des inondations d’il y a quelques jours qui ont fait une cinquantaine de victimes, n’échappe pas à la règle. Avec plus de 17 millions d’habitants, la ville congolaise du pool adossée sur le fleuve Congo, est une cité fluviale. Dans ce pays qui devrait compter quelque 147 millions d’habitants, c’est à croire que le principal débat centré sur les questions politiques et ethnique pour un ensemble compte parmi les plus grands chercheurs africains d’aujourd’hui. Mais la vie publique et les villes n’en tirent aucun profit. Les inondations sont fréquentes à Kinshasa, mégapole équatoriale pauvre à l’urbanisation anarchique et pratiquement dépourvue d’infrastructures de voirie. Fin 2015, plusieurs dizaines de personnes étaient mortes dans une succession de pluies violentes sur la capitale. En février 2017, avant les inondations de ce début d’année, avaient bloqué tout Kinshasa pendant plusieurs jours ne faisant que quelques victimes. Dans le quartier de Musoso, commune de Limete, ces inondations sont devenues un rituel. Tous les ans depuis sept ans, ses habitants disent vivre le même cauchemar. Kinshasa est l’une des plus grandes villes d’Afrique avec quelque 17 millions d’habitants, selon les estimations. Bon nombre d’entre eux vivent dans des conditions précaires pour le logement, la santé, le transport, l’alimentation. Et, ce n’est pas tout.

L’eau a emporté des habitations précaires, construites à flanc de ravins. L’autre mal qui ne dit pas son nom, est que la capitale de la Rdc connait aussi un « problème d’urbanisme », a reconnu le ministre provincial de la Santé, cité par le site d’information Actualité.cd. « Il n’y a pas de caniveau, il y a eu éboulements ». Plus qu’un aveu d’impuissance sinon d’incompétence. La conséquence de ce manque de réaction et de solutions est dans le nombre de victimes de ces dernières inondations de ce début du mois de janvier ; car on est passé de 37 victimes déclarées à 45 reconnus pour le moment sans que l’on ne sache si cela va s’arrêter là.

CHANGEMENT CLIMATIQUE OU NON : La règle des catastrophes

Le cas de Kinshasa n’est pas un cas isolé sur le continent. A Bamako, Conakry, Lomé ou encore Dakar, et dans l’immense Afrique équatoriale, toute proche du « Pot au noir », où il pleut tous les ans plus de 2000 mm d’eau, c’est à croire, que les autorités régionales, municipales, communales et même au sommet de l’Etat, n’ont pas encore trouvé les solutions pour protéger les citoyens qui vivent ou viennent vivre dans les villes.

L’Afrique s’urbanise encore plus chaque jour, mais avec seulement quelques réponses, si elles existent face aux questions qu’exige un tel processus. Si à Kinshasa, pour calmer les esprits, deux journées de deuil national ont été décrétées par le président de la République Joseph Kabila, en l’absence de cérémonie d’obsèques officielles, l’on se demande ce que l’Etat et le gouvernorat font pour faire face aux prochaines pluies dans quelques jours et en pleine saison.

Parler d’obsèques nationales au moment où l’on ne sait pas de quoi demain sera fait, ressemblerait à une provocation pour ce peuple martyr qui vit depuis la sortie des indépendances, une véritable obsession pour trouver sa voie. A quoi devraient-elles servir d’ailleurs devant la détresse de toutes ces familles ? Les autorités ont également préféré fournir une aide financière aux familles des victimes ; ce qui est un minimum pour une ville comme Kinshasa.

D’après un proche collaborateur du gouverneur de Kinshasa, pour chaque victime, la famille recevra l’équivalent de 2000 dollars. Mais, au-delà de ce geste des pouvoirs publics, les nombreuses voix n’ont pas manqué de s’élever pour exiger des mesures plus fortes : à savoir, la construction des caniveaux pour évacuer l’eau des pluies, mais aussi l’interdiction des constructions anarchiques qui se multiplient dans la ville. En définitive, serait-on tenté de le penser, l’anarchie, n’est-ce pas la norme dans la l’évolution des villes sur le continent ? Les exemples ne manquent pas.

Le Caire avec ses pyramides, est aujourd’hui la plus grande ville en Afrique. Sa population qui était estimée à quelque 22,9 millions de personnes en juillet 2016 devrait ainsi gagner plus de 500.000 habitants supplémentaires en 2017, selon les prévisions d’Euromonitor International. Une croissance ultra-rapide quand on sait que la région du Grand Caire est d’ailleurs en pleine croissance également. Selon Euromonitor International, le district d’Helwan a ainsi enregistré 20.000 naissances en 2016. Dans le même temps, une ville comme Shanghai en Chine n’enregistre une hausse «que» de 400.000 habitants.

Ensuite toujours sur la carte des villes à risques, Lagos, au Nigeria. Avec une des circulations les plus chaotiques au monde, c’est une zone à part en Afrique de l’Ouest. Dans cet immense pays des bords des lagunes du golfe de Guinée, les Lagossiens devraient alors faire preuve d’ingéniosité pour trouver de l’espace et palier les défaillances d’un État souvent absent, notamment pendant deux décennies de dictatures militaires (1975-1999). Les plus riches construisent des digues, assèchent les marécages ou ensablent l’océan pour construire le « Dubaï de l’Afrique». Les plus pauvres continuent de se construire des parcelles de terre sur la lagune avec des tonnes de déchets mélangés à du sable. La misère.

Dixième plus grande ville au monde avec une population estimée entre 17 et 22 millions d’habitants, la capitale politique du Nigéria explose. Cette gigantesque agglomération d’Afrique de l’Ouest s’étend tandis que la croissance démographique du pays l’étouffe. « Chaque année, c’est l’équivalent de deux fois la métropole de Toulouse qui arrive à Lagos », explique Guillaume Josse, géographe pour le Groupe Huit, cabinet de recherche spécialisé sur les villes en en développement.

LIGNES DE FORCES : C’était « Kin » la belle…

Au-delà de tous ces aspects liés à la mauvaise gestion d’un phénomène climatique, la question centrale qui se pose pour les décideurs, les planificateurs, et les ingénieurs, est de savoir quel avenir donner à cette Afrique des territoires. Faudrait-il attendre d’enterrer d’autres pauvres innocents pour finalement comprendre que cette belle ville d’hier méritait mieux en termes d’organisation, d’urbanisation et de gestion de ses espaces ?

Pas loin de Kin « la belle », (une appellation qui ne semble plus correspondre à rien du tout), Brazzaville, ancienne métropole comme Dakar, de l’Afrique équatoriale française, n’est guère mieux. Sans doute un peu mieux organisée, la capitale congolaise qui fait face à l’ex. eldorado de Léopoldville, est une ville un bout mieux gérée. Mais, la réalité du moment voudrait que les villes en Afrique correspondent à ce que les populations et certains élus voudraient qu’ils soient.

Le hic est aussi lié à la manière dont les élections présidentielles, régionales et- locales se font dans ces régions, toujours remportées par des éléments souvent incompétents, sans programmes ni projets du parti au pouvoir. Là aussi, réside, on peut le penser, l’autre mal avec les villes africaines. Dakar, la petite exception sur la question, a vu son maire conduit de force en prison, sans jugement pour des faits qui ne sont pas encore totalement élucidés.

A tort ou a raison, Khalifa Sall a voulu aller dans un autre sens que la direction que voudrait emprunter Macky and Co. Les capitales sont aussi des villes politiques où la puissance de l’Etat devrait se faire sentir quel que soit le régime, pense-t-on sur le continent. Quand on veut mettre en route un programme autre que celui du parti au pouvoir, à défaut de pouvoir vous dire stop net dans vos velléités, on vous cherche des noises. Et des noises, il y en a dans toute gestion surtout quand on n’est pas du parti.

Preuve d’incompétences, certains n’ont pas hésité à donner raison à Donald Trump dans sa formule « lacunaire » et méprisante, quand on entend les autorités congolaises, évoquer la question des inondations comme découlant naturellement du changement climatique. Comme le ridicule ne tue pas ici comme ailleurs, la réponse donnée, par ces même autorités gouvernementales et du Pool, a inspiré un petit sourire moqueur au vieux journaliste de Radio France Internationale comme Christophe Bois bouvier qui interviewait avant-hier lundi dans le Journal de midi, le représentant d’Onu-Habitat au Congo sur le bilan grave des dernières inondations dans la ville. C’est à croire qu’on entend des enfants aborder ces questions avec des adultes.

Il faut se bouger et aller vers les véritables équations du développement partout en Afrique. Le continent connaît nul doute l’un de ses meilleurs taux de croissance, mais celui-ci est pour qui ? Si les villes africaines veulent hisser le reste du pays qu’elles bouffent de manière très anarchique sans aucune organisation à un niveau plus confortable, il faut que leurs autorités soient capables de sortir des solutions adaptées et viables au niveau de l’habitat, des équipements, des infrastructures, du logement et des services sociaux.

Dans un monde qui fait la promotion de toutes les énergies vertes (solaire, éolienne, bio gaz, méthane, hydro-électrique…), il est regrettable que l’on vive aux environs de Ziguinchor, principale ville du Sud, des problèmes comme ceux vécus ces derniers jours autour de la mafia dite du bois. Quand un pays s’enrichit, c’est à la base que cela doit se sentir. En Afrique et partout, les zones de richesses ruinent celles plus pauvres et tous les jours malheureusement.
sudonline.sn
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