Gouvernance politique unilatérale: Macky Sall marque son terrain

Véritable goulot d’étranglement du consensus autour du Code électoral, le vote du projet de loi faisant passer le nombre de députés à la prochaine législature de 150 à 165, contre l’avis de la majorité des acteurs politiques, est cependant loin d’être une anomalie dans la méthode de gouvernance politique du président Macky Sall et de son régime. En quatre années de règne, le quatrième président du Sénégal a illustré, à travers bien de coups de force, sa posture de maître unilatéral et exclusif du jeu politique. Au grand dam du consensus entre acteurs politiques et de la respiration démocratique. Sans prétendre être exhaustif, Sud quotidien esquisse quelques actes posés par le régime Sall, au ban d’une gestion consensuelle du pouvoir. Ainsi nous semble-t-il en avoir été pour la réouverture «polémique» du dossier relatif au meurtre de Ndiaga Diouf et incriminant Barthélémy Dias, de la lutte «variable ou erratique» contre la délinquance financière, du « putsch » contre les réformes institutionnelles portées par la Cnri d’Amadou Makhtar Mbow et autre modification « tendancieuse» du règlement intérieur de l’Assemblée.

Présenté en 2012, au lendemain de son élection à la magistrature suprême, comme un «novice», «un président qui aura du mal à gouverner face à ses anciens camarades du Pds devenus ses nouveaux opposants ou encore comme celui qui court le risque de se retrouver «otage» des ténors de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar (Bby-majorité présidentielle), de vieux briscards de la politique comme Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho et autre Moustapha Niasse, le président Macky Sall semble déjouer tous ces pronostics. Quatre années après sa prise de fonction comme 4e président de la République du Sénégal, le patron de l’Alliance pour la République (Apr) se présente plus que jamais, aujourd’hui, comme la seule constante de la scène politique sénégalaise pourtant réputée très dense et difficile en raison de la pugnacité de ses acteurs. En effet, comme un capitaine d’un voilier tenant d’une main ferme son gouvernail, le président Sall qui prônait la rupture dans la conduite des affaires publiques, à travers une «gestion sobre et vertueuse», ne cesse de surprendre à travers certains de ses actes et décisions politiques. Des initiatives pouvant à la limite être taxées d’entorses et de coups de force contre la vie de la démocratie et dont la dernière est l’augmentation de 150 à 165 du nombre des députés. Quand bien même il importe de souligner que le Président Sall n’est pas à son premier coup d’essai.

REOUVERTURE «POLEMIQUE» DU DOSSIER RELATIF AU MEURTRE DE NDIAGA DIOUF

La convocation devant la justice, le 20 octobre dernier, du député maire de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélémy Dias, suite à la réouverture de l’affaire du meurtre de Ndiaga Diouf, tué lors de l’attaque de la mairie de Mermoz Sacré-Cœur en 2011, fait ainsi partie de ces coups de force du régime Sall. En effet, inculpé «d’homicide volontaire, coups et blessures et port d’arme sans autorisation» par le doyen des juges, Mahawa Sémou Diouf dans ce dossier de la fusillade meurtrière devant sa mairie, Barthélémy Dias qui était dans l’attente de son audition dans le fond du dossier, s’est vu investi député par le président Sall, par ailleurs patron de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar (Bby), le 30 avril sur le liste de cette même coalition pour les législatives du 1er juillet 2012. À l’époque, Me Abdoulaye Babou était même monté au créneau pour fustiger cette décision du président Sall d’investir Dias fils «inculpé pour meurtre» comme député sur la liste de sa coalition comme «la plus grave erreur qui tue la démocratie».

Deux semaines après, soit le 16 mai, les deux gardes du corps de Barthélémy Dias, Habib Dieng et Babacar Faye, emprisonnés avec l’édile dans le cadre de ce dossier, jouissent d’une liberté provisoire. Barthélémy Dias, principal accusé dans cette affaire, bénéficie lui aussi d’une liberté provisoire le 22 mai 2012. Depuis lors, personne ne parle plus de ce dossier du meurtre de Ndiaga Diouf. Cela, malgré les sorties par moment des parents de la victime demandant justice pour leur fils. Cependant, il a fallu attendre que le maire de Mermoz Sacré-Cœur avec certains de ses camarades de parti commencent à multiplier leurs sorties pour demander une candidature du Parti socialiste à la prochaine présidentielle et la sortie de leur formation de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar pour voir ce dossier réactualisé par la convocation devant la justice de Dias, le 20 octobre dernier, soit cinq années après.

LUTTE «VARIABLE» CONTRE LA DELINQUANCE FINANCIERE

Enclenchée depuis 2012 par le nouveau régime du président Sall, la traque des biens supposés mal acquis, présentée comme une demande sociale fait également partie des dossiers où la démarche du président Sall a plus que surpris les Sénégalais. En effet, sur une liste de 25 personnalités de l’ex-régime ciblées dont sept frappées par une interdiction de sortie du territoire national, seuls Karim Wade et ses deux coaccusés, Pape Mamadou Pouye et Ibrahim Abou Khalil Bourgi dit Bibo, ont été jugés et condamnés par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Pour le reste, notamment ceux qui ont par la suite décidé de rejoindre la prairie marron et beige de l’Apr pour «aider le président dans la réalisation de sa vision pour un Sénégal émergent à l’horizon 2035», les dossiers sont rangés dans les tiroirs. Pour preuve, Macky Sall lui-même a avoué avoir la haute main sur la traque des biens mal acquis. «Il n’y a pas d’acharnement, sur qui que ce soit. Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné suite», avait déclaré le chef de l’Etat dans un entretien accordé à Jeune Afrique.

Toutefois, il faut souligner qu’en plus de ce dossier de la traque des biens mal acquis qui visait les personnalités de l’ancien régime, il y a également le cas des personnalités de l’actuel régime épinglées par le premier rapport de l’Ofnac de 2016. En lieu et place d’une sanction contre ces personnalités, pratiquement tous des responsables de l’Apr, le président de la République a préféré prendre un décret pour débarquer l’ancienne présidente de l’Ofnac, Mme Nafi Ngom Keita. Cela, en dépit de sa déclaration le 3 avril 2012, lors de son adresse à la nation dans un ton ferme, « à tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers publics, je tiens à préciser que je ne protègerai personne. Je dis bien personne».

«PUTSCH» SUR LES REFORMES INSTITUTIONNELLES

Autre dossier dans lequel, le chef de l’État, fervent défenseur de la rupture dans la gestion des affaires publiques, a imposé son bon vouloir : celui des réformes institutionnelles adoptées lors du référendum du 20 mars dernier. À l’époque, après avoir annoncé sa décision de se conformer à l’avis du Conseil constitutionnel que lui déconseillait de réduire la durée de son mandat en cours de 7 à 5 ans (même si 45 enseignants du droit diront par la suite qu’il pouvait aller outre cet avis), le président de la République a adopté une démarche quasi-unilatérale dans le choix des principales mesures à soumettre à l’appréciation des Sénégalais, lors du référendum. Dans ce texte, le chef de l’État en lieu et place de l’avant-projet de Constitution préparé par la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) qu’il a lui-même créée par décret, sous prétexte de traduire son engagement pris devant le Comité national de pilotage des Assises nationales, a préfère prendre quelques articles de ce document pour les soumettre aux Sénégalais avec de nouvelles institutions comme Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) dont la création est loin de faire l’unanimité.

MODIFICATION «TENDANCIEUSE» DU REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE

La modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le 29 juin dernier participe vraisemblablement aussi des coups de force réalisés par le régime Sall contre la vitalité de la démocratie sénégalaise. Approuvé par 142 députés sur les 150 que compte l’Assemblée nationale, ce texte est présenté par la plupart des analystes comme une réforme déconsolidante dans la mesure où il fait passer le nombre de députés exigé pour former un groupe parlementaire de 10 à 15 contre le dixième seulement fixé par le régime de Wade et qui avait permis, lors de la dixième législature, au Ps et à l’Afp d’avoir leur propre groupe parlementaire. En outre, une autre disposition de cette même loi empêche également tout député démissionnaire de son groupe parlementaire d’adhérer à un autre groupe en cours de législature. Sans contexte, ce texte avait pour objectif non seulement d’empêcher les députés de Rewmi qui venaient de rompre le compagnonnage avec Bby de constituer leur propre groupe parlementaire. Mais aussi, de ferrer davantage le groupe des frondeurs du Parti socialiste.
sudonline.sn

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