Aujourd’hui est célébrée la Journée mondiale de la Femme. En marge de cette manifestation, Onu-Femmes a organisé une conférence de presse pour rappeler les enjeux de l’égalité des sexes à travers le monde et au Sénégal. Si des progrès ont été faits dans le pays, le travail reste conséquent. Il est impressionnant de constater à quel point tous les secteurs de la société doivent s’engager pour promouvoir l’émancipation des femmes. Notamment l’éducation et la presse.
La question de l’égalité des sexes est une question qui touche tous les secteurs de la société, au point que Marie Pierre Raky Chaupin, coordonnatrice de Onu-Femmes Sénégal, se demande si «le ministère de la Femme est pertinent pour porter la question de la femme, étant donné que cette question est multisectorielle». La prégnance de la problématique de l’autonomisation des femmes dans toutes les sphères sociales a marqué la conférence de presse qui s’est tenue hier en vue de la Journée internationale de la Femme du 8 mars. L’horizon évoqué lors de cette rencontre est 2030, date à laquelle Onu-Femmes espère atteindre le 50-50, c’est-à-dire l’égalité entre homme et femme tant au niveau mondial qu’au niveau du Sénégal. Marie Pierre Raky Chaupin affirme «que le contexte du Sénégal est un contexte très ouvert, le pays étant ouvert à des discussions sur cette question-là. Le Sénégal est un pays démocratique dans lequel les débats sont permis. Cela permet de faire avancer considérablement les questions de genre (…) de briser les tabous».
Onu-Femmes et les autres conférencières ont salué les acquis et les avancées sénégalais en la matière, comme la loi sur la nationalité et la loi sur la parité qui sont davantage favorables aux femmes. Selon l’organisation, la politique sociale s’est aussi améliorée à travers les bourses familiales, la gratuité des soins pour les enfants ou encore la gratuité de la césarienne.
Néanmoins, les défis restent de taille dans les secteurs de la santé, de l’économie et même de la politique. Si la conférence de presse était très représentative de tous les secteurs concernés par cet enjeu, la question de l’éducation s’est démarquée. «L’éducation est et demeure la porte principale pour assurer la mobilité sociale d’un groupe quel qu’il soit», a plaidé Maréma Touré Thiam, la représentante de l’Unesco.
Au Sénégal, la parité est dépassée en ce qui concerne l’enseignement primaire avec 76% de filles contre 71% de garçons. En revanche, dès que l’on passe à l’enseignement secondaire, le taux redescend à 18% contre 24%. Devant ce constat, Maréma Touré Thiam affirme qu’«autonomiser les femmes, c’est éduquer les femmes».
Le maintien des filles à l’école est compliqué, car beaucoup trop d’éléments comme le mariage, la grossesse précoce ou l’importance donnée aux tâches domestiques peuvent interrompre un cursus scolaire. L’Onu rappelle que 12% des filles sont mariées à l’âge de 15 ans et 33% à l’âge de 18 ans. Ainsi, le taux d’alphabétisation des femmes reste de 40% contre 66% pour les hommes au Sénégal. Dans un pays riche en traditions, notamment religieuses, l’un des leviers pour la progression de cette question est le changement des mentalités. Car comme l’affirme la représentante de l’Unesco, «ce sont peut-être certaines interprétations masculines de la religion qui tendent à opprimer la femme».
Pour relever ce défi, les intervenantes se sont adressées directement à la presse, qui a un rôle majeur à jouer, selon elles. «Les diagnostics que nous faisons ramènent à une seule chose, l’idéologie patriarcale qui informe la société. Pour faire en sorte qu’il n’y ait plus besoin d’un 8 mars, pour que nous ayons un monde 50-50 dans lequel les hommes et les femmes auront la même place, il faut transformer la société entière. Pour ce faire, il faut parler avec les femmes et les hommes encore et encore, et vous avez été les personnes qui ont été formées pour parler avec les femmes et les hommes », a donc déclaré Maréma Touré Thiam. Une preuve de plus que la recherche de l’égalité des femmes passe par l’implication de toutes les strates de la société.
«Le Sénégal n’est pas un mauvais élève»
En matière d’égalité hommes-femmes, le Sénégal est loin d’être dans le dernier wagon, selon Marie Pierre Raky Chaupin, coordonnatrice d’Onu-Femmes Sénégal. En matière politique, avec 42,3% de femmes au Parlement, il est bien au-dessus de la moyenne mondiale. De même, au niveau local, la représentation féminine est de 47,2%.
Cependant, seulement 13 femmes occupent les sièges de maire sénégalais sur 557 et elles ne possèdent que 16% de postes ministériels. Comme l’affirme Coumba Thiam Ngom, directrice de la Famille au ministère de la Famille, de la femme et de l’enfance, «beaucoup de choses ont été faites au plan institutionnel, et beaucoup de lois ont été votées au plan juridique» (voir plus haut). Néanmoins des points noircissent encore le tableau. «Le Code de la famille contient des articles discriminatoires», assure la coordonnatrice d’Onu-Femmes Sénégal. Elle veut aussi que le message passe sur la question de l’avortement en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère.
Enfin, en matière d’économie, un rapport des Nations-Unies va jusqu’à poser la question : «A quoi ressemblerait l’économie, si elle fonctionnait réellement pour les femmes», tant au niveau mondial qu’au niveau du Sénégal.
Stagiaire / lequotidien.sn
L’émancipation des femmes : Une question multisectorielle dans le monde et au Sénégal
