Le phénomène Nappy relance la mode de la coupe Afro

Alors que Rihanna et Beyoncé exposent fièrement leurs longs cheveux lisses et colorés, la coupe afro a toujours une carte à jouer chez les femmes noires. Fatiguées d’utiliser des produits chimiques souvent agressifs pour défriser leur tignasse, certaines font le choix de garder leurs cheveux crépus. Au point que des salons de coiffure se spécialisent dans ce nouveau marché du cheveu naturel.

On les appelle les « Nappy », un mélange des mots « natural » et « happy ». « Naturel » parce que cette tendance proscrit le défrisage et les tissages, des extensions tissées sur les cheveux. « Heureux », parce que les Nappy aiment leurs cheveux d’origine et en sont fières.

Comme beaucoup de femmes noires ou métisses, Joséphine est passée par la case défrisage à l’âge de 11 ans. Aujourd’hui, cette étudiante antillaise porte fièrement sa coupe afro, qu’elle embellit avec des accessoires comme des fleurs ou des bandeaux. « En terminale, j’ai décidé de me raser les cheveux et de repartir sur une base naturelle », raconte-t-elle. La réaction de son entourage ne s’est pas fait attendre : « qu’est-ce que tu vas faire avec une tête comme ça ? Comment tu vas pouvoir te coiffer ? C’est pas présentable ! Comment tu vas faire quand tu chercheras du travail ? »

Plus qu’une affaire de look, Joséphine est persuadée que ce « diktat des cheveux lisses » est aussi identitaire. Pour elle, le fait de défriser ses cheveux « c’est cacher ses origines et faire comme un Français [blanc] lambda » pour être mieux intégré. La mode Nappy serait donc aussi un sursaut identitaire, un moyen d’afficher ses origines.

Business du cheveu naturel

Depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis, cinq ou six ans en Europe et en Afrique, cette nouvelle tendance s’ancre peu à peu dans la communauté afro. A Paris, des coiffeurs se sont même spécialisés dans les cheveux naturels, à l’image d’Aline Tacite, créatrice du salon By B.E, à Bagneux, au sud de Paris.

« Pendant trop longtemps, la femme noire a été ignorée en France, dans ses spécificités propres, notamment son cheveu, explique-t-elle. On n’était pas considérées comme des consommatrices ayant un pouvoir d’achat. » Sont ensuite apparus les premiers salons de coiffure afro, mais qui pratiquent généralement le défrisage. Un moyen de maîtriser plus facilement le cheveu pour des coiffeurs traditionnels qui ne sont bien souvent pas formés au cheveu naturel, avance Aline Tacite.

Mais cette mode s’inscrit aussi en réaction à l’utilisation de défrisants par beaucoup de femmes noires ou métisses. « Quand on applique du défrisant dans ses cheveux,c’est à partir du moment où ça commence à brûler la tête qu’on doit le rincer », explique Joséphine. Pour elle, ces produits attaquent le cuir chevelu et peuvent être« très violents ».

Souffrir…

Lydia, une mère de famille haïtienne installée en région parisienne, se défrise régulièrement les cheveux. Pour autant, elle a bien conscience des risques. « Imaginez une petite fille avec les cheveux crépus. Elle se fait défriser les cheveux et si ce n’est pas bien fait, si ce n’est pas un défrisant doux, elle n’a plus de cheveux sur la tête ! C’est très dangereux. Il faut faire très attention aux défrisants. J’ai une petite nièce métisse qui s’est fait défriser les cheveux. C’était catastrophique la première fois ! Le produit l’a brûlée de partout ! Et malheureusement, ça a eu des conséquences graves. »

D’ailleurs, son amie Rose-Esther en a déjà fait les frais. « Je me souviens d’une fois, je ne sais pas ce que la personne a utilisé comme produit. Au début, ça a été, mais les jours suivant, je me suis retrouvée à perdre des cheveux. J’avais des trous un peu partout sur la tête. » Et son amie Laurie de renchérir : « il y a des femmes qui n’ont rien sur la tête. Elles sont obligées de mettre des tissages presque tous les mois. »

Pour Lydia, le risque est d’autant plus élevé chez les nombreuses femmes qui se défrisent elles-mêmes. A Paris, il est d’ailleurs très facile de trouver des défrisants dans des commerces de proximité, expliquent les trois jeunes femmes, qui déplorent que la vente de ces produits ne soit pas assez réglementée. « Moi, je leur conseille sincèrement d’aller voir un professionnel », lance Lydia.

… pour être belle

Des coiffeurs, on en trouve facilement à Paris, dans le quartier du Château-d’Eau, à Barbès ou encore à Saint-Denis, au nord de Paris, où une coiffeuse nous explique que la perte de cheveux « n’a rien à voir avec le produit en lui-même », mais plutôt à une mauvaise utilisation des défrisants. Pour elle, les défrisants ont un avantage, c’est de rendre les cheveux « lisses et disciplinés » et donc plus faciles à coiffer.

Pourquoi continuer à se défriser les cheveux malgré les risques ? Pour Laurie, le choix s’est fait très vite, dès l’enfance. « Quand j’étais gamine, ma sœur et mes cousines me faisaient mal quand elles me coiffaient parce qu’il fallait tirer sur mes cheveux crépus. Alors quand j’ai commencé le défrisage, c’était la belle vie. Je pouvais me coiffer sans me faire du mal. »

L’autre critère, et pas des moindres, c’est l’esthétique. Le défrisage, « c’est pour faire comme tout le monde, explique Lydia. Comme les copines blanches, avec les cheveux fins. Et puis ça nous permet de mettre des bigoudis, de les tirer en arrière, de les lisser. Bref, on trouve ça plus beau ».

« On dépense beaucoup plus que les Européennes ! »

Mais encore faut-il avoir les moyens d’entretenir ses cheveux. Lydia estime y consacrer 150 à 200 euros par mois. « Pour les produits cosmétiques, coiffure, etc, on dépense beaucoup plus que les Européennes ! », assure-t-elle.

Pour autant, garder ses cheveux crépus n’est pas gratuit non plus. Beaucoup de produits comme les shampoings spéciaux pour les cheveux naturels sont importés. Par exemple, Joséphine achète son shampoing sept euros, soit deux à trois fois plus cher qu’un shampoing classique. Mais pour Rose-Esther, « il vaut mieux mettre plus cher […] plutôt que de se retrouver sans cheveux. »

La bande annonce du documentaire Good Hair, sur les dangers des défrisants

rfi.fr

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