Commémoration de la déclaration d’indépendance du Biafra : 50 ans après, encore des séparatistes

Ce mardi 30 mai marque le 50e anniversaire de la déclaration unilatérale d’indépendance du Biafra

. Cette région du sud-est nigérian fut le théâtre d’une violente guerre civile de 1967 à 1970. Aujourd’hui, le climat reste tendu et les discours sécessionnistes refont surface. RFI a passé plusieurs jours à Enugu, capitale de l’ancienne république biafraise, à la rencontre d’acteurs locaux.

Voiture garée sur un parking d’Enugu, ex-capitale de feu la république du Biafra, Rita Anigbogu est avec ses militants les plus proches. Elle pianote sur son téléphone. Elle est la cheffe du Mouvement des Biafrais au Nigeria, le MOBIN.

Parmi les mouvements séparatistes qui émergent à nouveau dans la région, le MOBIN est le dernier en date. Il a choisi d’aller sur le terrain électoral pour défendre des candidats pro-indépendantistes. Il affine une stratégie, dans un contexte où les autorités nigérianes sont hermétiques à tout dialogue incluant le mot « sécession ».

Rita Anigbogu devait se rendre à un débat avec des intellectuels. La rencontre devait se tenir à Abakaliki, dans l’Etat d’Ebonyi. En véhicule, c’est à une heure de route d’Enugu. Mais il y a un empêchement.

« Un de nos membres était sur place en avance. Il a envoyé des SMS pour nous dire de ne pas venir encore. C’est à cause du gouverneur local. Il a envoyé des hommes de main », assure la cheffe du MOBIN. Une habitude, selon elle.

« A chaque fois que nous nous rassemblons pour éduquer notre peuple, pour le sensibiliser ou le mobiliser, les autorités du Nigeria envoient leur police et leurs soldats. Ils viennent et nous tirent dessus. Ils viennent et nous tuent », dénonce Rita Anigbogu.

« Le gouvernement ne veut pas entendre parler du Biafra. Plus de 500 Biafrais ont été tués ces dernières années et c’est le silence sur cette question, silence absolu », affirme-t-elle. Depuis deux ans, Amnesty International documente d’ailleurs cette situation dans différents rapports, témoignages et photos à l’appui.

« Nous conseillons aux jeunes, filles et garçons, de se tenir éloignés des manifestations de rue. Préservez vos vies, exhorte ThankGod Ofoelue, un des porte-parole de l’organisation pro-biafraise. C’est pour cela qu’on leur demande de ne pas manifester et nous déclarons solennellement ce 30 mai comme un jour férié. »

Toujours en voiture à Enugu, les deux membres du mouvement pro-biafrais reprennent leur téléphone. Ils rappellent leurs membres et sympathisants pour les prévenir de l’annulation de la rencontre.

Un cri contre la marginalisation

Ce mardi 30 mai 2017, pas de célébrations grandeur nature, pas de manifestation mais une « journée ville morte » pour éviter des violences policières et d’éventuelles interpellations.

Les célébrations en tant que tel ont débuté la semaine dernière, le 22 mai. Mais à Onitsha, tout comme à Enugu, plusieurs dizaines de militants ont été interpellés par les forces de l’ordre. Ce type de manifestation étant mal perçu par les autorités, les mouvements indépendantistes biafrais ont donc appelé à une commémoration plus sobre. D’où ce mot d’ordre de rester chez soi.

Rita Anigbogu tire un bilan positif de cette action à la mi-journée. D’après cette responsable, les écoles et les marchés sont restés fermés ce mardi matin à Onitsha. Peu de véhicule également dans les artères principales de la ville, qui sont restés vides ce matin. Le mouvement a aussi été largement suivi à Enugu et Aba.

Le Mouvement des Biafrais au Nigeria est une émanation du mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra, l’IPOB. C’est l’organisation de Nnamdi Kanu, libéré début mai.

Les membres du MOBIN veulent accéder au pouvoir pour donner plus de place au peuple igbo, troisième groupe culturel du Nigeria derrière les Haoussas-Fulanis et les Yorubas.

« Vous avez vu la route en venant : nulle part il n’y a de bonnes routes fédérales dans le Biafra. Il n’y a pas d’électricité. En restant à l’hôtel, vous ne pouvez pas vous en rendre compte. Ça fait deux semaines que nous sommes sans courant chez moi », s’indigne-t-il.

Difficile de porter la contradiction à ThankGod Ofoelue. Le militant du mouvement biafrais dans le Nigeria n’a qu’un seul but :

« Nous, en tant que peuple, nous allons prendre d’assaut le paysage politique dans le territoire du Biafra. Nous préparons nos compatriotes biafrais. Ils doivent commencer à se tenir prêts. Car nous allons arriver, nous sommes en pleine ascension », assure-t-il.

Peu de gens osent s’afficher à haute voix dans les rues d’Enugu. Difficile donc de dire si ce type discours est courant dans la région.

Ennyinnya Arabire est un sénateur du PDP, le principal parti de l’opposition. Défenseur zélé de la République fédérale, il comprend en revanche les motivations des militants pro-biafrais.

« C’est un cri contre la marginalisation. C’est un cri contre le manque d’égalité des chances. C’est un cri contre la maltraitance dont ils se sentent victimes », explique-t-il.

« Ce que nous voulons faire, c’est demander aux Nigérians d’écouter la détresse de ces militants. Résoudre leurs problématiques serait vraiment bénéfique pour nous tous au Nigeria. » Le sénateur Arabire a été déterminant il y a un mois dans la libération de Nnamdi Kanu, le directeur de radio Biafra.

Ce mardi 30 mai 2017, c’est journée « ville morte » à Onitsha et Aba, deux villes du sud-est qui commémorent la proclamation d’indépendance du Biafra. Mais il y a 50 ans, tout est parti d’Enugu. Les communautés igbos, réunies au sein du Conseil consultatif de l’Est, expriment alors leur frustration sur la nouvelle structure de l’Etat fédéral, qui les prive de leurs ressources pétrolières dans un contexte ethnico-religieux très tendu.

Le 30 mai 1967, le lieutenant-colonel Emeka Ojuku proclame l’indépendance de la région et la naissance de la « république du Biafra ». Enugu est la capitale. Lagos, qui est alors la capitale nigériane, déclare l’état urgence. Le sud-est du pays s’enfonce dans la guerre civile. L’Etat fédéral impose un blocus sur cette région séparatiste, provoquant la famine. Les aspirations séparatistes sont étouffées par l’armée fédérale, mieux équipée que les indépendantistes.

Le sentiment d’injustice semble s’être transmis d’une génération à l’autre. Manque d’infrastructures, mauvaise répartition des recettes liées au pétrole, faible représentation dans les postes gouvernementaux… certaines communautés igbos s’estiment toujours lésées. Radio Biafra et deux organisations canalisent leur colère. Mais le sujet reste tabou et durement réprimé par l’Etat fédéral. L’année dernière, plus de 150 personnes ont été arrêtées lors des célébrations de cet anniversaire.
rfi.fr

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