Contribution : rendre à la politique sa noblesse ? Par Yoro Diallo

L’évolution de la situation socio-politique dans notre sous-région est source d’une grande consternation et d’une grande inquiétude pour bon nombre d’acteurs. Les cas du Mali (confronté à une instabilité politique et à une menace djihadiste), de la Côte d’Ivoire (qui n’a pas encore fini de panser ses plaies), de la Guinée (qui se cherche), du Burkina Faso (dans une grande instabilité politique marquée par des coups d’état répétitifs), du Sénégal (dans une tourmente politico-juridique grosse de dangers), d’une organisation sous régionale (CEDEAO) considérée, par certains, comme un syndicat des chefs d’état, etc. montrent combien peut être fragile un état, une nation, une union.
Les dirigeants actuels ont une responsabilité historique dans la situation que nous vivons et ne peuvent pas brandir l’excuse d’avoir hérité de la situation. En effet, on ne demande pas le suffrage des populations pour s’avouer incapable de résoudre les problèmes auxquels elles sont confrontées.
Nous nous rendons compte, chaque jour, un peu plus, qu’une nation n’est pas juste une juxtaposition de personnes ou de groupes humains plus ou moins homogènes! Elle se construit tout comme l’Etat. Cette construction, pour être durable, doit se faire sur des bases claires, définies et acceptées par une démarche pédagogique inclusive et, donc, si nécessaire imposées par moments car la démocratie, c’est certes tenir compte de l’avis de tous mais c’est aussi se plier aux règles définies dans les institutions habilitées. Tout au long de l’évolution des peuples toutes les générations ont une responsabilité à créer, à préserver, à maintenir, à renouveler ces valeurs communes sans aucune faiblesse coupable. Et c’est à cela que sert aussi l’engagement politique. Rien n’est définitivement acquis. La politique n’est pas un jeu et surtout pas de cache-cache. Elle est une science à la convergence de plusieurs sciences et demande des aptitudes et des attitudes qui ne s’enseignent dans aucun institut, dans aucune université. Elle s’apprend dans une école informelle où il est demandé un effort personnel de construction. Sa science est presque intime et son savoir se transmet de manière non conventionnelle à la limite intuitive plus que rationnelle. Alors on ne doit pas entrer en politique par hasard, par nécessité matérielle, par ambition personnelle. On doit y entrer par conviction, avec des principes, avec l’amour des Hommes et le renoncement aux biens de ce monde, avec en bandoulière un projet de société auquel on croit. Les choix doivent procéder d’une analyse donc d’une réflexion poussée articulée aux attentes des populations. Or, nous refusons de réfléchir ou si nous le faisons nous convoquons de mauvais termes mettant en avant les egos. Ainsi l’engagement politique n’est plus un projet donc une projection mais il est dans l’«immédiateté» : il faut tout de suite en jouir d’où les batailles de positionnement dont les populations ne sont qu’un faire-valoir et, finalement, les seules perdantes.
Pour influer sur le cours de l’histoire, il faut être prêt à un don de soi. Cela peut passer par la mise en œuvre courageuse de décisions, parfois incomprises par des segments importants de la société, mais salutaires. Etre bien informé, avoir les éléments d’appréciation pas à la portée de tous et se plier à la tyrannie d’intérêts inavoués est coupable!
Les politiques, les politiciens plutôt, dans leur quête frénétique du pouvoir ou leur volonté de s’y maintenir, doivent veiller à léguer un Etat, une Nation à la postérité. Convoquer ou surfer sur les germes de la division pour atteindre ses objectifs est machiavélique ou pour faire plus simple criminel. On ne joue pas avec les fondements constitutifs de l’unité d’une nation.
Malheureusement on entre souvent en politique par « infraction » sans en mesurer et en assumer toutes les implications au pouvoir comme dans l’opposition! Ainsi le champ de la politique est mal défini, mal circonscrit. La politique se résume à la satisfaction de besoins primaires érigés en valeurs.
On entre en politique pour satisfaire un ego, pour assurer ses moyens de subsistance, pour être connu, pour se venger d’une « injustice », pour accompagner, « aider » un « parent », on devient ainsi « militant » de quelqu’un et non pas d’une cause.
Ainsi, quand on entend les « politiques » parler, on se rend compte que ce qu’ils considèrent comme les « vraies valeurs » ne sont que matérielles et/ou financières. On ne parle que de constructions d’infrastructures, que d’investissements, que de milliards injectés tout comme si la construction du Citoyen, de l’Etat, de la Nation était achevée. On ne nait pas citoyen, on n’est pas citoyen, on le devient dans un projet de socialisation. C’est donc une quête qui passe par un combat permanent. Et pour paraphraser Malraux, cet accomplissement coïncide avec la fin de la vie pour l’Homme. Pour l’état, après l’apogée, le déclin si on ne parvient pas à se recréer, à se réinventer, à se projeter dans un monde en devenir.
Or le bilan que nous présentent les politiques se résume en une énumération sans fin de milliards dépensés, distribués! De milliers de kilomètres de routes, de centaines de ponts, de centaines d’hôpitaux, d’écoles, etc.
Mais pour qui? Pour quels citoyens? Pour quel pays? Quelle Nation?
A quoi serviront toutes ces infrastructures si elles ne sont pas fréquentées ou opérationnelles à cause de tensions, de crises ou pire de conflits?
Aux politiques de diriger, d’orienter sur la base d’une offre en s’appuyant sur une administration, qui a une obligation de neutralité, formée pour transformer en faits une vision, une ambition, une offre politique acceptée par le peuple à l’issue d’élections transparentes. Elle a toujours l’obligation de s’adapter et doit comprendre sa mission.
Dans la hiérarchie des normes, des hommes, des femmes se «placent» au-dessus du citoyen et donc des institutions, un mélange de genres à tous les niveaux. Ces hommes et ces femmes parlent de la chose publique comme d’une propriété privée, cette « appropriation » de la chose publique entraine des attitudes empêchant l’expression des connaissances, des compétences, des expériences multiples car laissant de côté des pans entier de la société.
Nos attitudes, propos et comportements ont des implications insoupçonnées surtout quand nous sommes à certaines stations. Au-delà de nos personnes, nous offrons aux autres l’occasion de jeter l’opprobre sur tout un peuple, tout un continent.
Tellement de jugements de valeur et souvent sans fondement sur tout un continent par la faute d’une poignée d’Hommes.
La politique, se mettre au service des populations, c’est se soumettre à l’autocritique permanente et accepter la critique pour qui veut bien faire. Il est vrai que nous avons des problèmes avec la critique car elle est souvent subjective et parfois juste méchante. La critique, la vraie, doit être objective, honnête et constructive. Elle doit être notre vérité qui, nous devons l’accepter, peut ne pas être celle des autres et encore moins La Vérité.
On ne peut pas refaire l’histoire mais on doit en apprendre. Les institutions doivent jouer pleinement leurs rôles pour un équilibre politique, économique, social, culturel gage d’un développement harmonieux et durable. Refuser le fonctionnement correct des institutions de la République c’est laisser la place à des structures parallèles qui s’arrogent le droit de parler au nom du peuple sans aucune autre légitimité que le vide laissé par l’inexistence ou la carence de structures officielles.
Une démocratie, bien comprise, pas juste un moyen « légal » de se maintenir ou d’accéder au pouvoir passe par la formation du citoyen, à défaut, le jeu démocratique peut, et c’est souvent arrivé, porter au pouvoir des tyrans!
Faire l’économie de la construction du citoyen, c’est remettre en cause les fondements de la nation et de l’état de droit!
Alors le réveil, pour tous, risque d’être brutal car l’homme a des besoins plus complexes que la satisfaction des besoins dits élémentaires. Le mal est profond et seules des mesures énergiques nous en ferons sortir.
L’impression générale qui se dégage, de plus en plus, est que les politiques n’assument que les avantages du pouvoir et ils trouvent toujours des excuses et autres boucs émissaires dans les moments difficiles ou d’échecs.
La noblesse de la politique procède du fait que l’exercice du pouvoir devrait plutôt être un sacerdoce, non une jouissance, pouvant aller jusqu’au martyr, le cas échéant.
La politique est une affaire de « nobles », de personnes responsables, respectables, bien formées et bien éduquées ayant un sens élevé de l’humain et du devoir. Malheureusement ceux qui s’engagent pour la noblesse de la cause ont une voix inaudible. L’injure dans l’espace public a fait fuir les Hommes dignes.
La politique est la réalisation d’un projet depuis sa définition, sa conception, sa mise en œuvre jusqu’à son évaluation. C’est une œuvre continue qui adapte ou s’adapte, c’est selon.
Oui, Soundjata KEITA, Samori TOURE, Thierno Souleymane BAAL, El Hadji Omar Al Foutihou TALL, Mamadou Lamine DRAME, Da Monzon DIARRA, etc. étaient des politiques car tous ont été porteurs d’un projet de société! C’est la Politique, et la politique seule, qui construit la société. La politique doit traduire les valeurs profondes, cardinales de la société et, ainsi, elle doit être le champ des meilleurs d’entre nous.
Mais la nature a horreur du vide et quand les meilleurs ne veulent pas «se salir les mains» alors la médiocrité s’installe et c’est tout le corps social qui est sali dans tous ses pans et dans tous ses aspects. C’est un mal universel!
La marque des grands hommes c’est leur capacité à mettre leurs convictions, leur engagement, les intérêts de leur pays au-dessus de leur famille, de leurs intérêts personnels stricto sensu, et même de leur vie mais en toute intelligence car « on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras » et il faut savoir choisir ses armes.
Il s’agit de bien faire la part des choses et prendre les décisions les meilleures pour les populations sans bravades inutiles.
Malheureusement pour l’autorité politique qui, seule, a pouvoir de décision et qui n’a pas souvent le recul dont elle pourrait avoir besoin, les populations attendent des solutions, pas des questions encore moins des problèmes.
Les spécialistes et autres conseillers ne donneront que des avis mais ne seront nullement tenus pour responsables des conséquences qui pourraient résulter des décisions prises et appliquées qui sont de la seule responsabilité du politique.
Alors, comme disait, il y a 120 ans, Vladimir Illich Oulianov (Lénine), «Que faire?»
Et la politique retrouve toute sa noblesse.
Yoro Alhousseynou DIALLO, alhousseynoudiallo12@gmail.com
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