Climat : des ministres à paris pour une répétition générale avant la Cop21

« Une espèce de répétition générale avant la conférence de Paris. » Les mots choisis par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, pour qualifier la « pré-COP » qui s’est ouvert dimanche 8 novembre dans la capitale française, rappellent – s’il en était besoin – l’imminence de l’événement. Dans trois semaines, débute à Paris-Le Bourget la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP21) dont l’objectif est de contenir la hausse du thermomètre sous les 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Les écosystèmes et les économies seraient confrontés à des conséquences dramatiques si ce seuil était franchi, alertent depuis des années les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
La soixantaine de ministres de l’environnement et de l’énergie qui se retrouvent dimanche à Paris, pour trois jours, à l’invitation de la France, présidence montante de la COP, connaissent l’état des lieux du GIEC. Ils sont informés aussi des résultats des fastidieuses discussions entamées dans le cadre onusien par leurs négociateurs : un texte de 55 pages obtenu à la fin d’octobre à Bonn (Allemagne), esquissant une trame d’accord universel sur le climat mais comportant encore de nombreuses options parfois contradictoires. Tout l’enjeu de cette pré-COP est de permettre à ces ministres de se saisir de ce texte, d’en comprendre les enjeux, les points de tension et, si possible, les zones de convergence.

« Soumettre des propositions »
« Le but n’est pas de renégocier le texte de Bonn, mais de donner un élan politique et de faciliter l’accord final, a rappelé Laurent Fabius dimanche au moment d’ouvrir les débats. Il faut trouver des chemins de compromis sur le plus grand nombre possibles de sujets. » Le texte issu de l’ultime session de négociations est jugé « long, trop long, même si sa structure est stabilisée », avait souligné le ministre des affaires étrangères lors d’une conférence de presse vendredi.
Les quelque 60 ministres représentatifs de l’ensemble des groupes de négociations, arrivés sous bonne escorte policière au centre de conférence ministériel, n’ont donc pas mandat pour retravailler le texte, ce qui sera précisément l’objectif de la COP, mais sont invités à soumettre des propositions. « Ces propositions devraient permettre de progresser pendant la première semaine de Paris, en vue d’y conclure, lors de la COP21, un accord ambitieux et équitable », indique une note interne du quai d’Orsay.

« Quatre groupes de travail »
« La plénière de clôture [de la pré-COP] sera l’occasion d’envoyer un message clair sur les attentes des ministres et autres chefs de délégation », explique le document de cinq pages, qui détaille ensuite l’organisation de la pré-COP en « quatre groupes de travail parallèles, animés par deux ministres, qui se pencheront sur des problèmes spécifiques ayant trait à l’accord de Paris ».

La question de l’équité entre pays
Le premier thème listé est celui de l’équité, qui pose la question de la responsabilité dans l’effort contre le réchauffement entre pays développés, émergents et pauvres. Notion clé dans ces négociations climatiques qui associent 195 pays, l’équité se traduira aussi pendant cette pré-COP par une coprésidence de chaque groupe de travail partagée entre un ministre du Nord et un ministre du Sud.
Le niveau d’ambition de l’accord
Deuxième sujet de discussion, l’ambition de l’accord. Une formule qui paraît floue mais renvoie à deux aspects précis des discussions multilatérales, le mécanisme de révision et l’objectif de long terme. Au 30 octobre, à un mois de l’échéance, 155 pays avaient annoncé leurs engagements de réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce jour-là était également rendu public un bilan de ces engagements nationaux qui conduit à un réchauffement de la planète proche de 3 °C.

Une clause de révision est donc impérative pour confronter ces engagements au réel et pour réviser à la hausse ces scénarios nationaux. Cette idée, défendue notamment par la France, a reçu lundi 2 novembre un soutien de poids : la Chine, plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre et voix forte dans le concert des nations en développement. C’était le principal objet de la visite d’État de deux jours de François Hollande en Chine les 2 et 3 novembre, conclue par une déclaration commune pointant l’importance d’inclure dans l’accord de Paris un mécanisme de révision, revu à la hausse tous les cinq ans.

Les discussions ministérielles de la pré-COP seront plus serrées sur l’objectif de long terme. Pour les scientifiques, la solution au réchauffement passe par le cap de zéro émission nette de carbone d’ici à la fin du siècle. Pour certains pays avancés dans la voie des énergies renouvelables, cette transition pourrait atteindre 100 % de sources renouvelables. Pour de nombreux pays pétroliers du Golfe, en revanche, un renoncement aux énergies fossiles, socle de leur modèle de développement, reste une option inenvisageable.
Les actions à mener avant 2020
Le troisième thème à l’ordre du jour de la pré-COP porte sur les actions à mener avant 2020, avec un axe fort sur les enjeux de financement. « L’engagement des pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an, d’ici à 2020, pour les pays en développement, de sources publiques et privées, bilatérales et multilatérales, doit être honoré, insiste la note du quai d’Orsay. C’est un point clé pour construire la confiance post-2020. »
Publié début octobre à Lima, un rapport de l’OCDE évalue à 61,8 milliards de dollars l’ensemble des flux Nord-Sud collectés en 2014 pour le climat. Les contributions annoncées en 2015 par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, l’implication du secteur privé, des banques de développement (qui ont promis, à Lima, un effort supplémentaire de 15 milliards de dollars par an) et du Fonds vert pour le climat devraient combler la part manquante vers les 100 milliards, assurent les pays donateurs.

Face à cette belle opération de méthode coué, le Fonds vert a apporté quelques éléments de réponse concrets jeudi 5 novembre. Son conseil d’administration a validé la participation du Fonds, pour 168 millions de dollars, à huit projets d’atténuation et d’adaptation aux effets du réchauffement climatique au Bangladesh, Fidji, Malawi, Maldives Pérou, Sénégal, en Afrique de l’Est et dans la zone Caraïbe. « En allant à la COP21, les pays en développement savent qu’ils peuvent compter sur le Fonds vert comme partenaire financier », se félicite Héla Cheikhrouhou, la directrice générale de l’institution.

Le financement sur la période post-2020
Le financement, cette fois sur la période post-2020, date d’entrée en vigueur de l’accord, sera le quatrième et dernier dossier ouvert par les participants à la pré-COP inaugurée dimanche après-midi. Pour amorcer cette séquence, Laurent Fabius a révélé vendredi les détails d’une campagne de communication sur la COP21 qui démarrera le 9 novembre sous forme d’affiches placardées dans 55 agglomérations françaises et dans la presse. « Sept milliards d’habitants, une seule planète », « Plus tard ce sera trop tard », « Nous ne pourrons pas dire à nos enfants que nous ne savions pas », « bienvenue à ceux qui viennent défendre la planète », suivis de l’inscription « #COP21Paris », se détachent en lettres majuscules blanches sur fond de ciel bleu.

« Chaque pays doit agir »
Samedi, l’actualité a apporté un autre message, indirect mais pas anodin, aux ministres de la pré-COP. Le président Barack Obama a annoncé le rejet du projet controversé d’oléoduc Keystone XL reliant le Canada aux Etats-Unis et confirmé sa présence à l’ouverture de la COP21, au côté de plus de 80 chefs d’Etat et de gouvernement. Dimanche matin, les ministres présents, accompagnés de la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Christiana Figueres, et de Laurent Fabius en chef de chantier, se sont rendus au Bourget pour découvrir les premières installations. Ils y ont rencontré des représentants de la société civile.
De retour à Paris, ils ont retrouvé à 15 heures le ministre français des affaires étrangères et le ministre péruvien de l’environnement, Manuel Pulgar-Vidal, présidents respectifs de la COP20 et de la COP21, pour la plénière d’ouverture de la pré-COP. « Les Français font de leur mieux, a très diplomatiquement salué le responsable péruvien, mais la responsabilité incombe à nous tous. Chaque pays doit agir. »
Et Manuel Pulgar-Vidal d’annoncer, ce jour-même, la création par le Pérou d’un parc national de 1,3 milliard d’hectares, « un engagement vis-à-vis de l’Amazonie et de son peuple ». A trois semaines de la COP21, de telles annonces cherchent évidemment à démontrer que le temps de l’inaction, face au réchauffement, est révolu.

lemonde.fr

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