« Les circonstances légitiment la décision du Conseil constitutionnel » selon un professeur agrégé en droit constitutionnel

«Ce sont les circonstances qui légitiment la décision du conseil constitutionnel».

Cette analyse est d’un professeur agrégé en droit constitutionnel. Mieux, pour cet Universitaire qui a préféré apporter des éclairages, tout en gardant l’anonymat, la décision des Sept Sages n’a même besoin d’une loi encore moins d’un décret pour s’imposer à tous les pouvoirs publics et aux autorités administratives et judiciaires. Mieux soutient-il, elle n’ouvre aucunement une boite de Pandore parce que son caractère «exceptionnel» l’éteint au soir du 30 juillet. Toutefois, il a reconnu quelques difficultés qui pourraient être liées à l’orientation des bureaux de vote de certains électeurs non détenteurs de cartes.

Analyse de arrêt

«D’emblée rappelons qu’avant la réforme du 20 mars 2016, le président de la République ne pouvait pas saisir le conseil constitutionnel sauf dans le cadre d’un referendum. Maintenant, on a inséré dans la constitution article 92 qui permet au président de la République de saisir le conseil constitutionnel pour avis. Cela veut dire que le président peut interroger le conseil constitutionnel sur n’importe quel sujet relatif au fonctionnement de la démocratie sénégalaise et à celui des institutions. Il n’y a plus de limites.

Le président de la République à user pour la première fois d’une faculté que lui offre la constitution. La question posée au conseil constitutionnel est celle-ci «devant la lenteur observée dans le retrait des cartes d’électeur et le risque que des milliers de sénégalais voire un peu plus d’million sénégalais, soient privés d’un droit de vote, est-ce qu’il est possible d’envisager, sans modifier la loi, sans la réécrire, sans l’abroger, mais d’envisager que les sénégalais, qui se sont inscrits sur les listes électorales et qui n’ont pas pu récupérer leur carte d’électeur pour diverses raisons, puissent exceptionnellement, prendre part à ces élections ?». Mais à deux conditions : prouver qu’ils sont inscrits sur les listes électorales et à présenter une carte identité numérisée, les anciennes cartes et une ancienne d’électeur numérisée, aussi ou bien un passeport ou un permis de conduire ou un autre document d’immatriculation.

Le conseil a répondu. D’abord, il faut rappeler la loi. La loi prévoit bien que l’électeur quand il agit, choisi, puis il présente sa carte d’identité biométrique Cedeao faisant office de carte électeur. Cela ne change pas c’est la loi. Mais au delà, cette loi qui va s’appliquer à tous les sénégalais qui ont leur d’identité numérique, au regard de l’impératif de sauvegarder le droit fondamental du citoyen, qui a le droit du vote et le droit de prendre part à l’élection de ses dirigeants, il est exceptionnellement aménagé, juste pour les besoins des élections législatives de juillet 2017, la possibilité pour le citoyen sénégalais qui prouve qu’il est inscrit sur les listes électorales, avec une demande d’inscription et qui présente non pas toutes les pièces qui étaient dans la requête du président de la République, mais seulement les quatre, parce qu’ils ont exclus le permis de conduire.

Ils disent : si le citoyen prouve avec son récépissé d’inscription clair et carte d’identité ou carte électorale ou encore un document d’immatriculation, il peut voter exceptionnellement pour ces législatives du mois juillet».

Un arrêt, deux enseignements

«Premièrement, on a activé un mécanisme institutionnel juridique prévu en cas de nécessité parce qu’au fond, on aurait dû être dans une situation de blocage que si ce cas était intervenu avant le référendum du 20 mars 2016. Ici, on a actionné un mécanisme qui permet de faire intervenir le juge conseil constitutionnel dans la régulation de la démocratie. Ce qui veut dire que quand autrefois, il y avait cette situation, on ne pouvait utiliser le conseil constitutionnel qui croisait en déclarant qu’il était incompétent. Mais aujourd’hui, on a organisé pour que le conseil constitutionnel puisse intervenir dans le débat politique et dans le jeu des institutions.

Deuxièmement, on a permis, ce qui est une première, au conseil constitutionnel, de protéger les droits fondamentaux, notamment ici, le droit électoral, parce que chaque citoyen a droit à participer aux élections. Et le conseil constitutionnel a protégé cette loi fondamentale. Maintenant, certains peuvent dire : «mais attention la loi dit çà, comment le conseil constitutionnel peut dire le contraire ? Ce n’est pas possible pour se faire, il faut recourir à une loi». Le problème ici, c’est qu’on n’a pas abrogé la loi. On n’a pas réécrit la loi. On n’a pas modifié la loi. On a ajouté une possibilité circonstancielle exceptionnelle à la loi. Donc, ce sont les circonstances qui légitiment cette décision du conseil constitutionnel».

La décision du conseil constitutionnel n’est pourtant pas une loi ?

«Pour répondre à cette question, regardons l’article 92 de la constitution. Il dit que les décisions du conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics. Autrement dit à l’exécutif, au législatif et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Selon l’article 92, les décisions du conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives juridictionnelles de ce pays.
Des lors que l’on dit que la décision du conseil constitutionnel s’impose à la loi, cela veut dire que si le conseil constitutionnel rend une décision, elle est revêtue de l’autorité de la chose jugée constitutionnelle et non pas la chose jugée judiciaire. Et l’autorité de la chose jugée constitutionnelle a une valeur supérieure à la loi».

Mise en œuvre de la décision du Conseil Constitutionnel par loi ou un décret ?

«On n’a pas besoin de recourir à un décret ou à une loi, dont par un acte réglementaire ou législatif, pour mettre en œuvre la décision du conseil constitutionnel. La réponse est non ! Parce que les décisions du conseil constitutionnel sont elles-mêmes exécutoires. Elles sont non seulement exécutoires, mais elles s’imposent aussi aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles. Cela veut dire qu’elles s’imposent au président de la République, à l’Assemblée nationale, au ministère de l’intérieur, à la cour suprême, à la Cena et aux autorités administratives. C’est la constitution qui le dit, à son article 92».

Que doit-on entendre par primo- inscrits ?

«Il s’agit des jeunes qui n’avaient pas 18 ans et qui se sont inscrits pour la première fois. Le problème c’est que la plupart de ces jeunes n’ont pas de carte identité, parce que pour avoir la carte d’identité au Sénégal, il faut être âgé de plus de 15 ans. Ils n’ont pas non plus de permis de conduire parce qu’il faut avoir 18 ans pour l’avoir. Pour produire un passeport, il faut produire une carte d’identité. Donc, pour les sauver, on a évoqué le document d’immatriculation.

Le document d’immatriculation, c’est pour les jeunes qui sont en droit d’avoir un numéro d’identification nationale qui peut leur permettre d’avoir certaines pièces comme le passeport mais qui n’ont pas encore l’âge pour avoir une carte d’identité.
Ces jeunes-là, pour qu’ils puissent voter et ne pouvant pas produire les trois premiers papiers, on leur permet de voter avec le document d’immatriculation, délivré par le ministère de l’intérieur».

Le casse-tête du bureau de vote

«C’est une question très pertinente parce qu’aujourd’hui c’est vrai qu’on a réglé les problèmes en permettant aux citoyens n’ayant pas retiré leurs cartes de voter. Ce qui permet aux gens d’arrêter même d’aller retirer leur carte et attendre après le vote pour le faire dans le calme.

Le problème, c’est où voter (bureau de vote) d’autant plus qu’il n’est pas évident de retrouver son même lieu ou bureau de vote. Mais aussi, il y en a qui votent pour la première fois. Mais une solution a été prévue. Chaque citoyen réside dans une commune. La répartition des citoyens dans les bureaux de vote, c’est-à-dire la carte électorale est envoyée au niveau de chaque commune. Aujourd’hui, au niveau de chaque commune, il y a ce qu’on appelle la carte électorale communale. Quand vous venez au niveau de la commune, vous avez l’information précise sur le bureau et le lieu de vote où vous devez vous rendre.

Maintenant, si vous ne faites pas cet exercice préalable, et il est important que le ministère de l’Intérieur communique bien dans ce sens, effectivement, il va y avoir des problèmes pour certains citoyens de s’orienter.
Mais encore une fois chaque citoyen réside dans une commune et que tous les citoyens sont dispatchés dans des bureaux et des lieux de vote et que cette information est disponible au niveau de chaque commune. Et le citoyen qui est moderne, qui ne veut pas aller dans les communes, peut le voir sur internet».

«Caractère exceptionnel» de la décision de conseil constitutionnel ou une boite de Pandore

Le conseil constitutionnel est très clair. Il est pris à titre exceptionnel et c’est revenu plusieurs fois dans la décision. Cela veut dire qu’après les législatives, cette disposition ne sera plus en vigueur. C’est pourquoi, il n’est pas important de modifier la loi parce que modifier la loi, aurait ouvert à une sorte d’autorisation permanente, à des gens qui n’ont pas de carte d’identité Cedeao de pouvoir voter. Alors que la décision du conseil constitutionnel, encore une fois, ne modifie pas la loi, ne régisse pas la loi, n’abolie pas la loi. Le Conseil a juste ajouté une disposition à caractère exceptionnel qui s’expire, qui s’éteint au soir des législatives du 30 juillet. Evidemment, après les prochaines élections, les citoyens devront avoir leurs cartes d’identité biométriques Cedeao pour la Prochaine élection présidentielle».
sudonline.sn

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