Sommet Chine – Afrique : un partenariat gagnant-gagnant ?

Les dirigeants de 53 pays sont réunis à Pékin lors du 7e Forum sur la coopération sino-africaine.

La Chine entend consolider son influence économique, mais aussi politique en Afrique. Pour les pays africains, la priorité reste la dette chinoise.

Au sommet de Pékin, seul le Swaziland manque à l’appel – allié de Taïwan en Afrique, le petit État n’est pas le bienvenu en Chine. Sinon, tous les autres chefs d’État africains ont fait le déplacement, et ce n’est pas vraiment une surprise. Pour la neuvième année consécutive, l’empire du Milieu est le premier partenaire commercial de l’Afrique. Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique est en constante augmentation. Il a atteint 170 milliards de dollars en 2017. Selon le rapport McKinsey Africa publié en juin 2017, il y aurait déjà plus de 10 000 entreprises chinoises implantées en Afrique.

La nécessaire diversification de la Chine

Les sociétés chinoises se sont implantées dans de nombreux secteurs de l’économie africaine. Près d’un tiers sont impliquées dans la production, un quart dans les services et environ un cinquième dans le commerce, la construction et l’immobilier. « Dans un contexte de guerre commerciale globale, l’économie chinoise doit d’urgence se diversifier et conquérir des marchés dans des pays encore peu explorés. L’Afrique est un immense marché potentiel. Le pouvoir d’achat est faible, mais massif. Les produits très bon marché chinois s’y écoulent par milliards », note Jean-Joseph Boillot, conseiller au Club du Cepii pour les pays émergents. « C’est un partenariat gagnant-gagnant entre l’Afrique et la Chine », assure l’auteur de « Chindiafrique »(éditions Odile Jacob).

Les investissements chinois sont aussi créateurs d’emplois, détaille le rapport McKinsey. L’étude révèle que près de 300 000 emplois ont été créés par les societés chinoises. Près de 90 % des emplois pourvus l’ont été par des Africains. Mais le revers de la médaille est que ces emplois concernent surtout des ouvriers à faible qualification. Ainsi, seuls 44 % des gestionnaires locaux des entreprises chinoises sont africains. Et les produits manufacturés vendus en Afrique proviennent toujours majoritairement de firmes chinoises, ce qui représente un frein à l’industrialisation du continent.

Une menace de surendettement vis-à-vis de Pékin

Le véritable avantage de la Chine est sa capacité d’investissement rapide et massive. Elle dispose de réserves très importantes en devises, qui lui permettent de faire des prêts à des taux intéressants. « La Chine offre des prêts concessionnels sur 30 ans avec des taux d’intérêts faibles de 2,5 %, et des délais de grâce de 10 ans pour rembourser. Elle peut très vite débloquer de l’argent. Les projets peuvent être signés en un an, alors qu’ils pourraient mettre 10 ans à voir le jour avec des bailleurs internationaux comme la Banque mondiale », explique Jean-Joseph Boillot.

La Chine est ainsi devenue le premier créancier de l’Afrique, en s’appuyant essentiellement sur la Banque chinoise d’import-export (China EximBank) et la China development Bank (CDB). Selon l’Initiative de recherche Chine-Afrique (CARI), un centre de recherche dépendant de l’Université américaine Johns Hopkins, Pékin a déversé 94,4 milliards de dollars de prêts en Afrique entre 2000 et 2015. Depuis cette date, les prêts se sont encore accrus. Sur les 20 dernières années, le montant s’élève au total à environ 140 milliards de dollars.

La Chine contribue à environ un sixième du total des prêts accordés à l’Afrique, selon une étude du John L. Thornton China Center à la Brookings Institution, publiée en avril 2018. De quoi inquiéter le FMI qui, dans un rapport publié en mai 2018, indiquait que « sur les 35 pays à faible revenu en Afrique subsaharienne, 15 sont aujourd’hui en surendettement ou risquent fortement de le devenir ». Le géant asiatique détient aujourd’hui par exemple 55 % de la dette extérieure du Kenya et 70 % de la dette publique bilatérale du Cameroun.

La dette, un instrument de domination politique

« Avec la multiplication des prêts et la construction d’infrastructures, les pays africains dépendent économiquement de la Chine », explique Thierry Pairault, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste des relations entre l’Afrique et la Chine. Pékin pratique essentiellement une « aide liée », dans laquelle le pays bénéficiaire du prêt doit conclure en priorité des contrats avec des entreprises chinoises pour mettre en œuvre les projets financés. Beaucoup des prêts chinois sont également garantis par la livraison de matières premières, alors que les cours sont globalement orientés à la baisse (même s’ils ont récemment remonté).

« Cette relation de dépendance économique peut aussi s’assimiler à une forme de clientélisme, qui permet ensuite à la Chine d’étendre son influence politique. Le continent africain compte 55 pays et représente à lui seul environ un tiers des voix à l’Assemblée générale de l’ONU. C’est un atout important en cas de crise, quand il s’agit de rassembler un nombre important de pays derrière soi », poursuit Thierry Pairault.

La présidence chinoise a récemment indiqué que l’Afrique serait partie intégrante des « nouvelles routes de la soie », du nom de l’initiative lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping qui prévoit de relier tous les continents à la Chine. Djibouti, l’Éthiopie ou encore le Kenya ont intégré les routes de la soie. « Il s’agit davantage de rassurer les pays africains qui souhaitent être intégrés dans cette route dans l’espoir que la Chine investisse chez eux, affirme Thierry Pairault. Mais ces nouvelles routes concernent peu l’Afrique, et sont surtout destinées à atteindre les pays développés d’Europe de l’Ouest.  »

C’est ainsi dans une logique plus politique qu’économique qu’il faut interpréter les premières annonces de Xi Jinping lors du premier jour du septième sommet sino-africain qui se tient à Pékin le 3 et le 4 septembre 2018. Il a promis 51,7 milliards d’euros à l’Afrique, dont 15 milliards d’aides et de prêts sans intérêt ou à conditions préférentielles. Il a également annoncé que la dette due à l’État chinois sur les prêts sans intérêt remboursables à la fin de l’année 2018 serait annulée pour les pays africains les plus pauvres et les plus endettés. Sans donner pour autant la liste des pays concernés ni un calendrier précis.
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