Ces menaces qui pèsent sur le référendum du 20 mars 2016

Programmé au forceps par l’Exécutif, vraisemblablement sans concertation avec toutes les parties concernées (opposition, société civile, mouvements citoyens…), le vote du projet de révision constitutionnelle devant se tenir le 20 mars prochain, risque de se confronter à un véritable front de refus…populaire. Pour bien de raisons liées non pas seulement à la « rétractation » du président de la République qui s’est déterminé à ne plus réduire son mandat en cours, avis du Conseil constitutionnel obligeant, voire au déficit de dialogue politique autour de ces réformes entre le pouvoir et les autres corps du champ politique et de la société civile.

L’absence de visibilité du projet de révision constitutionnelle, surtout au niveau du Sénégalais lambda qui a du mal à avoir une claire connaissance des 14 autres points de réforme, en dehors du retour du quinquennat, pourrait occasionner une véritable désaffection populaire, à l’occasion du référendum du 20 mars. Comme en témoigne le reportage ci-après, effectué auprès du citoyen…ordinaire. A moins que cette non-imprégnation populaire du projet de révision constitutionnelle ne balise tout simplement pas la voie d’un Oui ou d’un Non totalement « subjectif », comme le démontre à souhait le journaliste et analyste politique, Momar Seyni Ndiaye.

LES SENEGALAIS, VERS UNE CACOPHONIE TOTALE

Le référendum du 20 mars 2016 est un « scandale financier » et n’a pas de pertinence. C’est du moins l’appréciation faite par la plupart des Sénégalais rencontrés hier, mardi 23 Février, dans les grandes avenues et artères de la capitale. Et pour cause ! La majorité des riverains interrogés affirment n’avoir aucune visibilité des 14 autres points sur lesquels ils sont appelés à se prononcer devant les urnes, le 20 mars prochain.

La controverse autour du référendum du 20 mars prochain et du projet de révision constitutionnelle est loin de connaître son épilogue. Au sein de la classe politique, de la société civile et mouvements citoyens comme chez le Sénégalais lambda. Après la décision du président de la République Macky Sall de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel et de ne pas appliquer la réduction du septennat au mandat en cours, bon nombre de nos citoyens interrogés hier, par nos soins, ont qualifié la posture du premier des Sénégalais d’« honteuse » et de « scandaleuse». Surtout, de la part d’un chef d’Etat qui soutenait mordicus qu’il instaurerait le quinquennat, une fois élu à la tête du pays. Qui plus est, nos interlocuteurs ont affirmé sans ambages le manque de visibilité comme le peu de connaissance qu’ils ont par rapport au projet de révision constitutionnelle que Macky Sall soumet au référendum, le 20 mars prochain.

Interpellée sur la question, Khadija rencontrée en pleine rue de Dakar hier, mardi, est formelle. « Je ne me sens pas concernée ni de près ni de loin par ce projet référendaire». Pour dire sa part de vérité, la dame n’y va pas par quatre chemins. « Ce référendum, c’est un énorme gaspillage, l’essentiel étant dit par le Président lui-même, je ne vois pas sa raison d’être et je ne voterai pas pour des futilités destinées à divertir le peuple sénégalais et à nous détourner de l’essentiel, dans un pays comme la nôtre où tout est urgence». Comme si cela ne suffisait pas, elle en rajoute alors en disant qu’elle « ne fera pas partie de ceux qui accentueront l’appauvrissement de ce pays», tout en sachant que le budget prévu pour le référendum est de 8 milliards (sic).

Contrairement à Khadija, ce Sénégalais bon teint, la soixantaine révolue, qui a toutefois préféré s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, compte bien voter pour le oui. Pour la seule et unique raison, souligne-t-il, que « le quinquennat assurera à coup sûr la bonne marche de notre démocratie et évitera de nouveau le tripatouillage de notre Constitution». N’empêche, notre interlocuteur a tenu à préciser que même s’il est d’accord sur le mandat présidentiel, il ne « voit pas la pertinence d’un référendum » du moment, explique-t-il, que les 14 autres points de réforme pouvaient être portés et votés à l’Assemblée nationale. Pis, selon toujours notre interlocuteur, face à cette panoplie de points, les Sénégalais, à son image, « se perdront dans leurs décisions » et ne se contenteront finalement que de répondre à la question liée au mandat présidentiel. Pourtant, pour notre vis-à-vis, le plus grave dans tout cela, hormis les milliards qui vont « partir dans le vent », c’est « l’incompréhension » que les Sénégalais ont du projet de révision constitutionnelle. En effet, pour statuer sur des réformes « il faut au moins s’assurer que les Sénégalais ont une claire connaissance de la chose», se targue-t-il de dire à l’ endroit de nos autorités étatiques.

Le constat est ainsi le même. Dans une large proportion, les Sénégalais interpellés jugent inopportune la tenue du référendum d’autant qu’ils proclament presque tous n’avoir la moindre connaissance des autres points de réforme. Ce qui est pour eux, tout simplement, paradoxal pour ne pas dire «scandaleux», pour un pays comme le Sénégal, considéré comme la vitrine de la démocratie en Afrique.

Loin de cette posture, Omar, la trentaine sonnée et la mine fatiguée, rencontré dans une boutique, préfère tout simplement, lui, croiser les bras et boycotter la consultation populaire. En bon disciple, il a marqué sa volonté de suivre à la lettre les recommandations de son guide religieux Cheikh Ahmadou Kara Mbacké Noreyni qui appelle au boycott. « Quelle que soit la pertinence ou non du référendum, je ne ferai que ce que dit le marabout…Le débat est clos ». C’était aussi le risque qu’encourt le référendum de Macky Sall.

MOMAR SEYNI NDIAYE ANALYSTE POLITIQUE SUR LE REFERENDUM : «Le Oui sera aussi subjectif que le Non»

Il y a un curieux empressement de la part du chef de l’Etat, Macky Sall, et son gouvernement d’aller au référendum, alors que les populations n’ont pas eu le temps de comprendre la quintessence de toutes les mesures comprises dans le package de réformes proposé. Par conséquent, de l’avis du journaliste analyste politique, Momar Seyni Ndiaye, le vote du Oui, tout comme celui du Non au référendum du 20 mars prochain seront subjectifs. Qui plus est, pense-t-il, les gens voteront en fonction du fait qu’ils sont avec ou contre Macky, alors que les réformes renforcent la démocratie, même si l’ampleur est relative.

L’engouement que la question de la réduction ou non du mandat en cours du chef de l’Etat, tout comme la poursuite du septennat de Macky Sall jusqu’à terme, contrairement à la promesse faite, ont tant soit peu noyé les autres réformes comprises dans le package, à proposer aux Sénégalais. Beaucoup de suffragants seront ainsi appelés à voter sur des réformes qu’ils ne comprennent aucunement.

De l’avis de Momar Seyni Ndiaye, journaliste analyste politique, au rythme où le pouvoir a précipité les choses, la population ne comprend certainement pas la quintessence de ces mesures. Pour cause, explique-t-il, «parce qu’on ne lui a pas donné assez de temps pour les disséquer, les évaluer, les retourner dans tous les sens pour mesurer surtout les conséquences sur notre démocratie». Ainsi donc, pour lui, dès lors que cet effort d’imprégnation, d’analyse en profondeur, de contextualisation n’a pas été fait, on s’adressera à des personnes sur des questions qu’ils ne comprennent pas. Par conséquent, le professeur en journalisme et communication pense que «les gens vont voter Oui ou Non, avec un sentiment global, qu’on soit avec Macky ou contre Macky». Mieux, fait-il remarquer, «le Oui, même s’il a des chances de l’emporter, est un Oui aussi subjectif que le Non».

Revenant par ailleurs sur la subjectivité du Non, M. Ndiaye considère que le refus du projet de réforme serait forcément le résultat d’un vote-sanction que la résultante d’un souci de faire avancer la démocratie sénégalaise. Pour lui, «l’opposition pense qu’il faut absolument punir Macky Sall pour ce qu’elle considère comme une parjure». Considérant toutefois que si le Non l’emporte, le chef de l’Etat serait désavoué, il a tout de même fait remarquer «qu’on retournerait à la situation actuelle». A savoir, rappelle-t-il, celle sans les candidatures indépendantes, le mandat maintenu à 7 ans alors que toutes les autres dispositions qui sont dans les 14 mesures ne pourraient pas être appliquées. Or, estime-t-il, «les propositions du président Macky Sall renforcent la démocratie, même si l’ampleur est relative, la portée extrêmement limitée». Cela, a-t-il précisé, «si le président Macky Sall donne les dispositions transitoires qui permettent de lui appliquer le mandat limité à deux».

Sur le taux de participation au référendum du 20 mars prochain, Momar Seyni Ndiaye est d’avis qu’en prenant en compte «le contexte politique qui prévaut actuellement, avec notamment le reniement du président Macky Sall de tenir sa promesse, il faut s’attendre à une sorte de désaffection du public qui vaudra un petit peu lui faire payer cette décision de garder le mandat de 7 ans». Donc, pour lui, «on ne peut pas s’attendre à une participation massive, encore moins à un Oui massif».
sudonline.sn

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