Possible entente entre le pouvoir et l’opposition sur la baisse du montant de cautionnement de la candidature à la présidentielle

La baisse annoncée du montant de cautionnement pour la présidentielle de 2019 fera certainement partie des grandes innovations

de ce rendez-vous électoral si cette mesure se concrétise. Considéré comme l’une des principales sources de divergence entre les acteurs politiques en perspective de 2019, le montant du cautionnement exigé à tout candidat désireux prendre part à ce scrutin semble, cette année, susciter moins de débat. Pour cause, la baisse du montant des 65 millions de FCFA fixé lors de la présidentielle de 2012, préconisée par les représentants de l’opposition et ceux des non-alignés, lors des concertations sur le processus électoral, semble trouver écho favorable auprès du pouvoir.

Le chef de l’Etat, Macky Sall, serait même dans les dispositions de casser le montant de la caution, d’après les informations issues de la réception des conclusions du rapport sur le processus électoral. De 65 millions de FCFA, on cheminerait ainsi, selon toujours ces informations, vers une baisse de 30 à 40 millions, soit 35 et 25 millions de FCFA pour la présidentielle de 2019. Sud Quotidien donne la parole aux experts électoraux Ababacar Fall du Gradec et Doudou Dia de Gorée Institute pour éclaircir les tenants et les aboutissants de cette caution dont la baisse semblerait actée.

ABABACAR FALL, EXPERT ÉLECTORAL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU GRADEC : «Le Sénégal est le pays de la sous-région qui a la caution la plus élevée…»

Il est intéressant de noter que la question du cautionnement a toujours été au centre des désaccords au sein de la classe politique de notre pays. Les positions ont toujours été dictées par la posture du moment, selon qu’on est du pouvoir ou de l’opposition. Le cautionnement qui fait l’objet d’une disposition légale dans le Code électoral constitue une obligation pour les partis politiques et candidats indépendants désirant participer aux élections (présidentielles ou législatives). Le montant de la caution est fixé par arrêté du ministre chargé des élections, après avis des partis politiques légalement constitués, 180 jours avant la date du scrutin. Seulement, cet avis ne lie pas le ministre qui a la prérogative de le fixer en définitive. La caution a une double fonction, elle permet aux partis politiques de participer aux frais d’impression des documents électoraux qui sont pris en charge par l’Etat (bulletins de vote, affiches, profession de foi… etc.) et de donner une certaine garantie de la représentativité du parti politique ou du candidat indépendant. Elle est remboursée pour la présidentielle si le candidat obtient 5 % des suffrages valablement exprimés et pour les élections législatives lorsque la liste obtient un député.

Pour l’élection présidentielle, le montant de la caution a varié entre 2000 et 2012 passant de 6.000.000 de F Cfa à 65.000.000 de F Cfa lors de la dernière élection. Si cette augmentation a été faite pour limiter les candidatures, elle n’a pas eu l’effet escompté car les partis ou candidats se sont toujours débrouillés pour rassembler l’argent nécessaire au prix de combines à l’époque avec certains imprimeurs qu’ils choisissaient eux-mêmes pour l’impression de leurs documents de propagande avant que le ministère ne change les règles d’attribution des marchés. Avant les élections de 2012, la caution était déposée au Trésor public contre délivrance d’un récépissé du Trésorier Général attestant du dépôt du cautionnement. Afin d’exercer un contrôle plus rigoureux sur l’origine des fonds, le Code électoral a fait désormais obligation aux partis et candidats indépendants de déposer le montant de la caution sous forme de chèque de banque auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations qui délivre une quittance confirmée par une attestation signée par le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations après vérification et encaissement des fonds.

Beaucoup de partis se sont toujours offusqués du montant exorbitant de la caution dénonçant une volonté du pouvoir libéral de l’époque de les écarter. Certains avaient même suggéré le franc symbolique pour la caution ou à défaut, une somme qui n’est pas assez élevée entre 10 et 15 millions. Il reste établi que le Sénégal est le pays de la sous-région qui a la caution la plus élevée comparée aux autres pays. A titre indicatif, le Niger est à 20 millions, la Côte-d’Ivoire à 20 millions, le Bénin à 15 millions, le Burkina-Faso à 25 millions, la Mauritanie à 5 millions d’Ouguiyas soit 7.500.00 CFA environ. Un pays comme la Tunisie est à 10.000 dinars tunisiens, soit 2.178.983 CFA. Quand on considère que la caution n’a jamais constitué un frein insurmontable pour un parti ou un candidat qui veut se présenter et en l’absence d’un financement public des partis, il est nécessaire de trouver, au vu de la pratique en cours dans la sous-région, un juste milieu en procédant à sa baisse et en instituant le bulletin unique afin de réduire fortement les dépenses électorales de l’Etat.

DOUDOU DIA, DIRECTEUR EXÉCUTIF DE GORÉE INSTITUTE, EXPERT ÉLECTORAL : «Au vu des échéances précédentes, le montant de la caution n’a pas eu d’impact significatif»

Le consensus doit prévaloir pour des élections libres et équitables. Afin de garantir l’équité entre tous les potentiels candidats à la prochaine élection, il est important de s’accorder sur le montant de la caution sans pour autant tomber dans le piège de la pléthore de candidats que nous avons eue au cours de la dernière échéance électorale. Ce qui pourrait engendrer des dépenses énormes pour la gestion du processus électoral. Mon avis est que l’élection est un exercice suffisamment sérieux qui engage la vie de toute une nation et, en ce sens, le système de caution financière doit se faire dans un esprit sérieux. Il faudra s’assurer, au-delà du montant de la caution à verser, de la bonne disposition de tous les candidats qui se présentent à des fonctions publiques à justifier l’origine de leurs ressources pour éviter des conflits d’intérêt. C’est une exigence de transparence et de redevabilité. Au Sénégal, selon le Code électoral régissant le cautionnement, « les candidats sont astreints au dépôt d’une caution qui doit être versée à la Caisse des Dépôts et Consignations, et dont le montant est fixé par arrêté du ministère chargé des élections après avis des partis légalement constitués, au plus tard cent quatre-vingt (180) jours avant celui du scrutin. Dans le cas où le candidat obtient au moins cinq pour cent de suffrages exprimés, ce cautionnement lui est remboursé dans les quinze (15) jours qui suivent la proclamation définitive des résultats après la publication définitive de la liste des candidats.

La conséquence d’une caution très élevée pourrait être de deux ordres : l’émergence de candidats businessmen (secteur privé ou immixtion investisseurs étrangers dans l’appui au versement de la caution) et un bastion du système à deux partis. Dans tous les cas, l’expérience a montré qu’au Sénégal, les principaux partis n’ont pratiquement pas perdu de cautions. Quelques petits partis ont perdu beaucoup de cautions mais n’ont pas été dissuadés pour autant de présenter des candidats de même chez les candidats indépendants. En principe, le seul effet de la caution plus élevée est de limiter le nombre de candidats indépendants et de ceux qui représentent des partis souvent peu représentatifs. C’est dire que le montant de la caution, au vu des échéances électorales précédentes, n’a pas eu d’impact significatif. Au contraire, nous avons constaté l’augmentation du nombre de candidats représentant des partis souvent marginaux. Je suis plus pour un travail de fond relativement à la rationalisation des partis politiques au Sénégal et du financement des partis. Pour l’élection présidentielle de 2019, le système de caution financière combiné au système des signatures ou parrainage destinés à assurer que tous ceux qui se présentent comme candidats à des fonctions publiques, notamment la fonction présidentielle, le feront dans un esprit sérieux et crédible demeure pertinent. Dans tous les cas, toute mesure allant dans le sens d’une caution et d’un parrainage doit faire l’objet d’un consensus minimal qu’il soit entre toutes les parties prenantes.

CAUTION A LA PRESIDENTIELLE : Une hausse constante
Fixé à 2 millions F Cfa en 1993, le montant de la caution à la présidentielle a été porté par l’ancien régime socialiste du président Abdou Diouf à 6 millions de F Cfa en 2000. Élu président de la République, lors de la première alternance politique, le président Abdoulaye Wade décide en 2006 de revoir à la hausse ce montant de la caution à 25 millions de francs pour la présidentielle de 2007. Cinq après, le même président Wade décide de porter ce montant à 65 millions. Il faut dire que cette augmentation du montant de la caution, contrairement à l’argument souvent évoqué par les partisans des régimes qui se sont succédé au Sénégal, n’a jamais empêché la floraison des candidatures à la présidentielle. La preuve, en 2012, en dépit de la barre très haute fixée à 65 millions par l’ancien régime libéral, cela n’a pas empêché son candidat, Me Abdoulaye Wade, de faire face à une plus d’une dizaine d’adversaires.
sudonline.sn
ActuPrime – La primeur et la valeur de l’information – Sénégal

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