Des anciens footballeurs professionnels sénégalais dans la dèche, pour avoir mal géré leurs carrières

Ils ont connu le succès et la gloire, mais pour avoir mal géré leur carrière

, ils sont nombreux les anciens footballeurs professionnels sénégalais à se retrouver dans la dèche. Ainsi, de sportifs adulés aux comptes en banque bodybuildés, ils finissent mal-aimés, hérauts malgré eux des soubresauts de l’après-football.

19 janvier 2016. Une houppelande blafarde étreint Paris dans les rigueurs d’un hiver sans concession. La capitale française et ses banlieues tentaculaires émergent d’une nuit de grand froid. Dans un hangar désaffecté de la cité de Domont gît le corps sans vie d’un homme, couvert d’un duvet et d’un dessous de canapé. Joachim Fernandez a passé sa dernière nuit dans cet endroit paumé qui, en ce sale temps, ne lui offrait comme unique protection qu’un toit en tôle, une dalle de béton au sol et quelques murs en parpaing. Une situation de dénuement extrême, une vie de SDF (Sans domicile fixe) qu’ignoraient sa famille, ses amis et surtout, ses anciens coéquipiers. Dont l’illustre Zinedine Zidane, ancien footballeur de légende, actuel entraîneur de (presque) légende au Réal Madrid.

Dans ses meilleures années, Joachim Fernandez était footballeur. Un très bon footballeur sénégalais. Défenseur ou milieu defensif, le natif de Ziguinchor est né au football à Dakar, dans les Sicap. A poussé à l’Asc Yeggo avant d’aller faire grandir son talent aux Girondins de Bordeaux. Il y côtoya Zidane, Dugarry et Lizarazu, y joua une finale de Coupe de l’Uefa (actuelle Ligue Europa) avant de migrer, bourré d’ambitions, vers le grand Milan AC de l’époque. Mais son talent va prendre froid dans la grisaille lombarde et “Jok” se contentera d’attiser le feu d’une modeste carrière qui lui rapporte des revenus conséquents. Problème : Joachim a la main sur le coeur et le goût de la luxure. Et une fois sa carrière terminée, il se refuse de réfréner ce rythme de vie fastueux. “Il ne s’était pas projeté dans l’après-carrière”, regrette un de ses anciens coéquipiers à Yeggo. Qui, de loin, l’a vu brûler la chandelle des deux bouts, jusqu’à ce que tout son matelas financier se consume. “Jok avait connu la gloire, mais il a fini par se retrouver bien bas”, pleure sa dernière petite amie.

Joachim Fernandez a touché la fin. Beaucoup d’anciens footballeurs professionnels ont touché le fond. Sans avoir personne ou presque pour les aider à se relever de leur chute brutable vers un quotidien désargenté pour lequel ils n’étaient point programmés. Ni destinés, au dernier soir d’une carrière passée à ramasser des millions comme on ramasse des feuilles mortes en saison sèche. “La première difficulté reside dans la perte de l’excitation de la compétition, de l’estime que l’on nous porte sur et en dehors du terrain, des convoitises diverses et du regard souvent admiratif que l’on suscite’’, avoue un footballeur sénégalais retraité. Qui poursuit : ‘’On devient un citoyen lambda et ce n’est pas évident de ne plus attirer la lumière quand on s’y est habitué’’. A cette dépression dont l’importance varie selon les sujets, s’ajoute le ralentissement progressif du train de vie. ‘’Si l’on n’y prend garde, on se retrouve très vite aux bords de la ruine. Beaucoup finissent par l’être’’, pointe cet agent de joueurs qui a eu de grands noms de footballeurs africains dans son portefeuille. ‘’Par pudeur, je ne vais pas citer de noms, mais il y en a beaucoup parmi les Lions de 2002 qui sont ruinés…Beaucoup parmi eux font semblant, pour ne pas subir de jugements.”

Hérauts des soubresauts de l’après-football

De mâles aimés, athlètes au corps d’Appollon sur lesquels les regards des filles frissonnaient, footballeurs adulés aux comptes en banque bodybuildés, ils finissent mal-aimés, hérauts malgré eux des soubresauts de l’après-football, cibles (é)mouvantes de la calomnie populaire. La faute, pêle-mêle, à des placements peu judicieux (mauvais investissements et/ou mauvais conseillers), à de certaines folies dépensières (voitures, habits et montres de luxe), aux ruineuses frequentations (filles, sangsues, pique-assiettes et fêtards) et à l’impréparation de l’après-carrière (aucune idée de reconversion). “C’est connu, la carrière d’un sportif pro est très courte, avise un Sénégalais, spécialisé dans la gestion de patrimoine en Europe. La bonne idée serait donc d’investir très tôt pour pouvoir bénéficier d’une vie de rente, quelle que soit sa reconversion. Soit par le biais d’investissements sûrs comme l’immobilier par exemple, soit par des placements plus ou moins à risque. Le mieux est de faire un mix des deux, afin de s’éviter de mauvaises surprises. J’en avais approché quelques-uns après 2002, mais, outre la méfiance, beaucoup de footballeurs sénégalais investissent peu, se contentent de vivre au jour le jour, avant de prendre peur à quelques encablures de la fin de leur carrière. Parfois, c’est trop tard…” “Leur principal problème est que la plupart d’entre eux “oublient” qu’ils ne jouent pas avec leur âge réel, renchérit un agent. Leur carrière dégringole parfois au moment où ils s’y attendent le moins, soit par une méforme physique due au poids des ans soit par une blessure. Et patatras…”

De pôle irradiant et stable de sa “famille à l’africaine”, le néo-retraité se retrouve parfois dans un couloir obscur, courant seul (tout seul) derrière un destin friqué que l’on a passé à dribbler. A brûler sous le feu des projecteurs et des sunlights. Un ancien international sénégalais, qui a joué au Fc Metz au milieu des années 2000, vit ainsi une après-carrière pathétique, plombé par une vilaine blessure au moment il prenait son envol au sein des Grenats et des Lions. “Il a fini par devenir serveur dans une pizzeria en France et j’en ai eu les larmes aux yeux’’, soupire un influent agent de joueurs. Pire, ses “amis” d’hier semblent l’avoir oublié…Le seul acquis matériel de sa carrière, c’est la réfection de la maison familiale à Dakar…”

Un quotidien peu opulent et une certaine solitude qui poussent certains d’entre les anciens pros à s’entourer de fierté et à se chercher une issue moins pitoyable aux yeux de l’opinion. “Certains Lions de 2002 préfèrent, par exemple, vivre leur petite vie de galère en Europe, loin des yeux des Sénégalais. D’autres sont revenus ici au pays, s’entourent des artifices de la réussite, tout en cherchant les voies et moyens de sauver leur après-football. D’où cette agitation autour de la Fédération sénégalaise de football”, croit savoir un ancien dirigeant fédéral.

D’acteurs célébrés sur le pré, certains surjouent ainsi la posture sacrificielle d’‘’envoyés du jeu” venus rendre à la jeune génération “ce que le football (leur) a donné”. Artifices subtils pour leurrer les yeux inquisiteurs d’une société souvent impitoyable avec les “anciens riches”, ces “surhommes” qui, à leurs heures de gloire, se pavanaient là-haut. Et qui, après la balle, vivent avec la peur de connaître la dalle…
Mame Talla Diaw : enqueteplus.com

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