Affaire Théo: à Bobigny, les manifestants contre les violences policières entre colère et résignation

À Bobigny, un rassemblement contre les violences policières organisé devant le tribunal a dégénéré samedi soir. Avant l’éclatement de ces violents incidents, les manifestants avaient pourtant à cœur de faire entendre leur message. Témoignages.

« Non, non, non ! » Le fumigène allumé par un groupe de jeunes, tassés sur un bloc en pierre surplombant l’immense foule rassemblée devant le palais de justice de Bobigny en ce samedi 11 février, a immédiatement déclenché des cris de protestations parmi les manifestants. Pas question que des incidents ne viennent ternir ce rassemblement contre les violences policières, en soutien à Théo, ce jeune habitant d’Aulnay-sous-bois violemment interpellé par la police la semaine dernière. Le discours doit être audible.

Moins d’une demi-heure plus tard, c’est pourtant l’embrasement : vitres cassées, commerces vandalisés, voitures brûlées, dont le car-régie de la radio RTL. Bobigny sera le théâtre pendant plusieurs heures d’affrontements violents entre des groupes de jeunes et CRS. Trente-sept personnes ont été interpellées à l’issue de ces violences. Tout ce que redoutait Issa Bidard, étudiant, l’un des organisateurs de cette manifestation pacifique. Un peu plus tôt, il pourtant pris la parole devant les plus de deux mille personnes réunies : « Montrons-leur notre vrai visage, que nous sommes éduqués, intelligents, que nous ne sommes pas des sauvages ».

La colère est forte. « Tout le monde déteste la police », « Les violeurs en prison », « Justice pour Théo », « Justice pour Adama », sont repris en chœur, des manifestants défient les CRS installés sur une passerelle bleue surmontant les quelques deux mille personnes présentes. Théo L., 22 ans, est toujours hospitalisé, grièvement blessé sur la zone rectale, victime d’un viol présumé avec une matraque télescopique. Il s’est vu prescrire soixante jours d’incapacité totale de travail (ITT). L’un des quatre policiers ayant procédé à l’interpellation a été mis en examen pour viol. Les trois autres pour violences.

« Nous demandons une justice équitable »

« On se sent concernés. L’affaire Théo ce n’est que le haut de l’iceberg. Cette fois, la victime est vivante, c’est une chance. Et il y a les vidéos, les preuves médicales. C’est un lynchage. Nous demandons une justice équitable, qui ne soit pas aveugle. Nous voulons que la hiérarchie reconnaisse ce qu’il s’est passé et que le policier soit puni », expliquent d’une voix posée deux amis, trentenaires. Ils se défendent de tout sectarisme, « on a même des amis flics, sympas », précisent-ils.

« Nous attendons la fin des inégalités. Nous en avons marre de ne pas être logés à la même enseigne que tout le monde », scandent de leur côté Farid et Pierrick qui décrivent un quotidien fait des contrôles policiers réguliers.

Youssef Sayah vit à Aulnay-sous-Bois. Il a pris la tête du conseil citoyen, une nouvelle structure qui entend faire le pont entre la population et les pouvoirs publics, « faire entendre ceux que l’on n’entend pas, explique-t-il. Je suis ici pour soutenir Théo et tous ceux qui souffrent d’injustice. Ce n’est pas bien ce qu’a fait la police. Nous ne vivons pas dans des zones de non-droit, mais dans des zones de ‘sous-droit’  » , poursuit ce père de deux enfants qui milite pour que la jeunesse de sa ville s’investisse dans la société. « On dit aux jeunes : ‘allez ici, lancez-vous, créer des projets, allez à l’école’ « .

« Je suis écœurée par mon pays »

Jamila vit à Saint-Denis. Son fils handicapé à 80 % a été contrôlé dans le hall de son immeuble par des policiers. La goutte d’eau. « J’ai retrouvé mon fils complétement paniqué », se souvient la mère de famille qui apporte « un soutien inconditionnel » à ce mouvement de protestation. Elle était présente mercredi 8 février à l’audience des jeunes interpellés deux jours plus tôt dans la cité des 3 000 d’Aulnay, dans le cadre de violences qui ont éclaté après l’interpellation de Théo. « Des ministres volent des millions et il ne se passe rien, et ces jeunes, dont certains font des études, sont condamnés, ce n’est pas normal ». Pour Jamila, Bruno le Roux, le ministre de l’Intérieur, « n’est pas à la hauteur ». « Leur hiérarchie leur demande des résultats, les policiers sont sous pression et cette pression, c’est nous qui la subissons », se désole-t-elle.

Comme tous ceux interrogés, elle ne croit pas que les hommes politiques, quel que soit leur bord, puissent améliorer la situation. L’élection présidentielle ? Personne n’y voit ici un espoir de changement. Mais le nom d’un des candidats revient. C’est celui de François Fillon : « C’est quoi cette justice? Fillon pique un million d’euros à nous, contribuables, et il est dehors. Des gamins des quartiers sont condamnés pour bien moins que ça », s’emporte Fatima qui vit à la Courneuve. « Je suis écœurée par mon pays, personne ne fait rien », lâche-t-elle, désabusée mais prête à manifester à nouveau s’il le faut.
france24.com

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